Plantes magiques, plantes médicinales, plantes apprivoisées

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Je vous ai déjà parlé ici des rimèd razyé. Et ici du potager tropical. Je vous ai aussi dit que j’étais petit fils de gadédzafè , vendeuse de simples, officiante dont les pouvoirs s’articulent pour l’essentiel autour de la connaissance des plantes. Je vous parlais de tout ça avec la distance qui sied à celui qui ne se souvient qu’à travers ses souvenirs d’enfance. Je vous parlais de l’expérience d’un enfant antillais qui même parti très tôt de sa terre natale, avait pu emmagasiner assez de références pour savoir l’importance des plantes magiques ou médicinales pour une vie saine et harmonieuse proche de la nature. Il y a deux articles qui m’ont passionné à ce sujet. J’ai même écrit un livre où l’héroïne principale vit dans l’univers des plantes.

Pour aller un peu plus loin sur ce sujet passionnant je vous propose de lire cet article d’Auguste Chevalier paru en 1937 sur le Journal des Africanistes et qui s’intitule « Les plantes magiques cultivées par les Noirs d’Afrique et leur origine,. Il ne se passe pas une semaine sans que un article évoque nos usines cachées , nos rimèd péyi, Je vous ai moi même évoqué le TRAMIL, les rimèd razyé, le pawoka, la margoze, le chiendent, le semen contra, Mais je voudrais aujourd’hui vous reproduire in extenso cet article que j’aime beaucoup paru sur l’excellent site  guadeloupe-fr.com.

J’aurais pu vous en communiquer le lien, cela aurait sans doute suffi mais je le trouve si bien écrit que je ne résiste pas au plaisir de vous le faire partager ici

Les plantes ont des vertus que les anciens connaissent bien. Les fleurs tropicales attirent l’attention des scientifiques. Désormais la nature est largement mise à contribution pour améliorer notre confort et notre bien-être.

La connaissance des plantes ne s’apprend pas comme une poésie ou une leçon d’histoire, elle s’acquiert au fil du temps. Suze Angély, Guadeloupéen et ancien professeur de français en a fait l’expérience : «je suis né sur les hauteurs de Cousinière, à Vieux-Habitants, juste après la seconde guerre mondiale. À cette époque, à la campagne, nous faisions corps avec la nature. C’était un mode de vie, bien plus qu’une éducation. Chaque maison possédait son jardin créole toujours organisé selon le même schéma. Tout à proximité de la maison se trouvaient les plantes médicinales pour soigner une conjonctivite, une diarrhée ou un rhume… Un peu plus à l’écart s’élevait le jardin potager avec la cive, les poireaux, ou le thym et encore plus bas, les plantations de patates douces, de giraumons, de madères, de malangas et de pieds de manioc. Lorsque la taille du terrain le permettait, les habitants plantaient des caféiers, des cacaoyers et de la vanille. Toutes les essences pratiquement avaient une fonction, que ce soit la racine de cocotier, l’agave, le dattier ou le poirier local.»

Les gens amélioraient leur quotidien avec les plantes. Un enfant ne trouvait pas le sommeil ; la mère choisissait de jeunes feuilles du corossolier et les plongeait dans son bain ou les utilisait pour combattre la fièvre. Les fleurs utilisées en infusion calmaient les crises de tachycardie. La chicorée mettait fin aux coliques. Les fleurs de papaye mâle étaient prisées pour soulager les rhumatismes. Les écorces de châtaigner pays ou encore celles de cacaoyer sont excellentes contre les lumbagos. « Il faut secouer l’écorce pour recueillir ce qui en tombe puis le mettre dans un linge enroulé autour de la ceinture pendant 48 heures et le mal est parti » explique Suze. La coutume impose de demander l’autorisation à la plante et après 48 heures, le miraculé doit aller prendre un bain de mer et en profiter pour jeter l’écorce derrière lui sans se retourner.

Ces plantes qui soulagent

Dans la pratique médicinale populaire, les préparations et les décoctions font souvent l’objet d’un rituel en relation avec la superstition comme le fait de couper une feuille en trois morceaux pour évoquer la Trinité ou de couper un citron en quatre. De nombreuses pratiques sont liées au cycle lunaire ; ainsi le thé « semen contra » doit être donné trois jours après la pleine lune pour être efficace.

La grossesse et l’accouchement ont toujours été entourés de nombreuses croyances et légendes. On provoquait la venue d’un enfant avec du « bois canon » ou encore du mimosa pudica. «Quand nous étions petits, à chaque vacances, nos mères préparaient une tisane mélangeant le chiendent, l’agoman, la raquette sans piquant, le «ti tengn» et un morceau d’aloe véra. Nous prenions cette tisane pendant cinq jours ; s’en suivait une purge à l’huile de ricin. Ce régime avait pour but de nous laver le corps et de nous « booster » pour la rentrée.»

Quand on perd sa voix, rien de plus efficace que l’herbe à poux de bois, la rose Cayenne ou la fleur de sureau blanc. Pour les maux de foie, on peut utiliser le pompon soldat, le thé-pays, le Cassia alata.

Il faut savoir identifier, mais aussi utiliser chaque plante comme le kaoka car au-delà d’une feuille, la potion devient toxique. Pour les bouffées de chaleur et tous les symptômes de la ménopause, les femmes utilisent la sauge. Le noni permet de régénérer l’organisme. L’armoise est excellente pour faciliter la circulation du sang. Quand les enfants ont un bleu, il faut écraser des fleurs de belle de nuit et les mettre sur le bobo. «Quand on se blessait un orteil, nos parents prenaient de l’herbe de charpentier, l’écrasaient et nous plâtraient l’orteil avec.»

Ces plantes qui font maigrir

L’herbe « mal-tête » mélangée à l’huile de carapate mettait fin aux maux de tête. «Nous, nous l’utilisions autrement. On mettait une feuille entre les pages de nos livres de classe et l’on écrivait dessus le nom de notre bien aimée. Si des racines sortaient, cela signifiait que l’élue de notre coeur partageait les mêmes sentiments. » Enfin, si les plantes sont couramment utilisées pour entretenir la forme et soigner les affections courantes, elles sont aussi très utiles dans le cadre de régimes amincissants. Elles constituent une aide précieuse : certaines jouent le rôle de « coupe-faim » en favorisant dans l’estomac un sentiment de satiété, d’autres ont un effet diurétique et dépuratif. Elles favorisent le drainage et détoxiquent l’organisme. Enfin, quelques-unes comme le thé vert, le café ou la noix de kola sont de véritables brûleurs de calories. Ainsi, les feuilles d’orthosiphon, plus connues sous le nom de « moustache à chat», contiennent du potassium et des flavonoïdes qui leur confèrent une très forte action diurétique. C’est un remarquable draineur de l’organisme. La pulpe du fruit de la «casse» a des propriétés laxatives douces ; plus connu, l’ananas contient une enzyme qui facilite la digestion et élimine les graisses, tout comme la papaye.

Le pouvoir des fleurs

Les fleurs fournissent de multiples molécules et dans leurs pigments se cachent souvent des actifs protecteurs et anti-âge. Et surtout, il y a leur parfum enivrant aux répercutions neuroendocriniennes de mieux en mieux maîtrisées. Dans les Antilles, l’arbuste épineux, l’acacia farnesiana, est exploité dans l’industrie du parfum en raison de ses fleurs particulièrement odorantes. On tire aussi profit de son écorce, sa gomme, ses graines et son bois. D’une manière générale, les fleurs exotiques sont particulièrement prisées et reconnues pour purifier la peau tout en préservant son écosystème cutané. Elles concourent à éliminer les toxines et laissent le teint remarquablement clair. L’hibiscus, grâce à son acide de fleur, dissout en douceur les cellules mortes, alors que l’ylang-ylang régule les peaux mixtes. Par ailleurs, ce délicieux baume odorant rééquilibre la flore épidermique. L’huile essentielle d’ylang-ylang est utilisée en aromathérapie car elle permet de réguler la pression artérielle sanguine (en cas d’hypertension notamment).

Autre chef d’oeuvre de la nature : l’orchidée. La Guadeloupe en dénombre de nombreuses espèces. Cette fleur sécrète de nombreuses molécules de défense qui ont pu être isolées. Elle stimule la synthèse des fibres de collagène et d’élastine et contribue au maintien d’une hydratation idéale. La fleur de vanille est utilisée sous des formes différentes : soins, lotions, toniques et eaux florales. Elle permet également de produire de l’huile solaire hydratante, de l’huile de massage et de l’huile de bain. Elle affiche des propriétés tonifiantes, dynamisantes, hydratantes, nourrissantes et aphrodisiaques. La vanille pompona (vanillon de la Guadeloupe) est l’une des trois espèces les plus cultivées dans le monde pour ces raisons. Le frangipanier appartient à la famille des Apocynacées qui compte sept variétés différentes dont l’une des plus connues est le Plumeria alba originaire des Antilles. La fleur de frangipanier est utilisée pour « la paix des sens», dit-on. En Inde, dans la cour des temples, ces fleurs blanches servent de reposoir à l’esprit des dieux conviés à descendre parmi les hommes.

Connue pour son effet relaxant, la fleur d’oranger raffermit et lisse la peau en douceur. Aussi, Jean-Marc Petit, producteur de vin d’orange à Baillif, pense prochainement l’utiliser.

Les vertus du vinaigre de banane

Mam Roro spécialiste de la fabrication du vinaigre de banane en Guadeloupe, est très soucieuse des bonnes proportions avant d’arriver au stade de la fermentation acétique. Les bactéries forment alors à la surface du vinaigre un voile léger qui se transforme en une masse gélatineuse appelée « mère de vinaigre ». Ce processus dure environ six mois, à l’issue desquels il ne reste plus qu’à filtrer le précieux liquide. Ce vinaigre bénéficie naturellement des vertus de la banane. N’est-elle pas, entre autres, réputée pour son effet antiacide et contre les brûlures d’estomac ! C’est pourquoi ce « vin aigre » est extrêmement doux pour les estomacs, même sensibles. Il est conseillé d’en boire une cuillère mélangée à un verre d’eau pour faciliter la digestion à la suite d’un repas un peu lourd. S’en badigeonner la peau apaise non seulement les démangeaisons des moustiques, mais sert aussi de répulsif. Ce vinaigre est idéal pour combattre les pellicules. Il suffit après le shampooing de rincer la chevelure, d’appliquer une à deux cuillères à soupe de vinaigre et de masser sans rincer. Comme l’odeur n’est pas forte, ce traitement n’incommode pas l’entourage. En contrepartie, il fait briller et fortifie les cheveux tout en éliminant les pellicules. Côté peau, il donne d’excellents résultats sur l’acné des adolescents. Le traitement sera répété tous les jours pendant minimum deux semaines. Enfin, pour les mycoses entre les doigts de pieds, une application d’une nuit suffit pour les faire disparaître.

Le peeling à la canne à sucre

Dérivé de la canne à sucre, l’acide glycolique évacue les cellules mortes à la surface de la peau et équilibre l’épiderme. Ce peeling est très prisé pour sa formule adoucie. Il déloge les cellules qui sont abîmées. Ce soin aux acides de canne à sucre peut être utilisé aussi bien sur le visage, les épaules, le dessus des mains que les jambes. Il faut avant la première intervention préparer sa peau avec une crème à l’acide glycolique, faire le traitement au centre de soin au minimum une fois par semaine sur un mois et entretenir sa peau à la maison pour qu’elle reste saine et nette.

Les améliorations visibles sont le resserrement des pores, la stabilisation des peaux grasses, l’élimination de l’acné juvénile, une meilleure hydratation des peaux sèches, la diminution des taches brunes, un plus bel éclat du teint et enfin une plus grande souplesse de la peau.

Il y a certes de nombreux blogs qui abordent les plantes médicinales de Guadeloupe et j’ai aussi tout particulièrement apprécié celui d’une chercheuse en phytopathologie Cécile Mahé qui lie la science, la magie et le verbe. Cela s’appelle La Sorcière et le Médecin qui a pour sous-titre Des Histoires de Plantes entre Science et Magie.

Outre le blog elle a un canal sur youtube . son blog m’a sensibilisé à beaucoup de plantes que je ne connaissais pas. Idem pour le site de Lucien Sabin , cet passionné des plantes. exploitant agricole, spécialiste en Plant a nou. Maintenant que je suis physiquement aux Antilles et je baigne dans les plantes médicinales. La théorie devient pratique, les souvenirs deviennent science. Et je m’aperçois que tous mes souvenirs sont liés à des plantes.

Je suis à Deshaies pour encore quelques jours dans les hauteurs et la dame chez qui j’ai loué une maison m’a fait l’honneur de visiter son jardin créole. Elle s’appelle Antoinette. Elle a bien quinze ans de moins que moi. On sent sa fierté à vous introduire à vous raconter ses histoires de plantes. Je suis bombardé de noms et d’usages. C’est sa grande soeur qui l’a initiée puis elle a appris petit à petit par elle-même. Elle loue deux maisons, l’une en étage au-dessus de chez elle qui peut contenir jusqu’à huit personnes et celle ou je suis de l’autre côté du jardin, plus simple qui peut elle aussi contenir 8 personnes mais peut être fractionnée en deux appartements indépendants. Tout autour il y a dans son jardin des manguiers, des pruniers de cythère, des grenadiers, des goyaviers, etc mais ce qui fait sa fierté c’est son jardin médicinal. en pots ou en terre les plantes étalent sans vergogne leurs effluves. quelques fleurs aussi, surtout les fleurs à la Vierge. Moi je me contente pour l’instant de faire des photos, je sens, je frotte, je hume, j’essaie de me souvenir, je me décrasse l’esprit. j’ai vécu cela au Brésil où là aussi je me suis initié mais avec le temps la mémoire s’efface quand on ne la pratique pas. Je vais m’y remettre, parole de petit fils de gadédzafè. Car je sais des choses que les Antillais ont pour la plupart oublié et en particulier sur le rapport des plantes avec l’occulte, les esprits. J’ai déjà évoqué les langues de belle mère, (sanseveria, langue a chat) je ne peux pas en voir une quelque part sans que je révèle à mon interlocuteur le sens de cette plante dans la cosmogonie afro-brésilienne. Quand il manque quelque chose je m’en étonne ! Tiens tu n’as pas de sandragon ? Pas de chiendent ? La personne peut avoir du patchouli, de la menthe, du gros-thym, des bols, du pawoka, du curcuma, du doliprane, du grenn-anba-féy, du douvan-nèg, du romarin, du soulier zombie, de l’arada, du ginseng, de l’herbe à charpentier, de la rose de cayenne, d du qui vivra verra, de l’anis, de la citronnelle, et les plus belles plantes à la vierge, si je n’ai pas vu sandragon, chiendent et semen-contra et langue à chat, j’ai comme un sentiment de manque, d’incomplétude. J’imagine qu’elle parle à ses plantes pour les remercier chaque jour que son Dieu fait comme elle parle au chevalier servant de son jardin créole, un chihuahua sage mâtiné de je ne sais quoi, de neuf ans d’âge qui ressemble au renard du Petit Prince et qu’elle a baptisé Nougat, aka Nounou pour les intimes. Et je me souviens des mots sages de Saint-Exupéry

Je vous livre ici quelques pages de mon album photographique sans retouche, sans filtre réalisé un dimanche matin de novembre, le 11 novembre pour être précis. Dès la fin de cette semaine je partirai habiter à Basse-Terre dans une autre maison au jardin encore plus immense et je continuerai mon apprentissage; cette fois ci avec Magguy.

Et je crois bien que je vais essayer d’apprivoiser le langage des plantes, cet essentiel invisible pour mes yeux,  en suivant la technique du renard dans le Petit Prince. Garder la distance raisonnable. M’approcher doucement, l’air de rien comme un chenille jaune et noire, du type de celle qui aime à hanter les feuilles et les tiges de la plante à la vierge et du jasmin, ne rien dire, revenir à heures régulières, les arroser de ma présence calme pour ne pas qu’elles sentent mon absence, pour qu’elles ne s’inquiètent pas, pour qu’un rituel s’installe cahin-caha. Et que de visite en visite on s’apprivoise et que j’en devienne responsable, pleinement en possession de mon héritage familial oublié.

313 pépins de grenade

Je ne suis pas du type à avaler n’importe quelle baliverne. J’ai goûté l’autre jour du jus de grenade. J’ai sucé des pépins de grenade. Puis naturellement je me suis documenté sur ce fruit qui aurait été la vraie pomme d’Adam et Eve. Cette grenade que appelait autrefois pomme punique aurait donc été le fruit de chute. C’est à cause de cette grenade que le paradis serait devenu enfer sur terre. Déjà cette grenade a fait parler d’elle dans la mythologie grecque. C’est le fruit dont Persephone/Proserpine, fille de Zeus/Jupiter et de Demeter/Ceres, aurait dégusté six pépins en Enfer. Après avoir perdu sa virginité après avoir été enlevée et violée par Hades/Pluton le dieu des Enfers elle est condamnée à vivre six mois sur terre et six autres en hiver. Certains murmurent même que ce serait volontairement à l’insu de son plein gré quelle aurait dégusté le fruit interdit de l’enfer pour pouvoir échapper à une mère castratrice. Certaines préfèrent les nourriture célestes, d’autres les nourritures marines, d’autres comme Proserpine sont accro six mois aux nourritures terrestres, six mois aux nourriture infernales. La grenade aux pépins infernaux. Mais aussi la grenade apparaît bienveillante pour d’autres coutumes qui lui confèrent même le nombre incroyable de 613 pépins voire de 1000 pépins chez d’autres. Il fallait que j’en aie le coeur net. J’ai donc cueilli ce matin au grenadier de mon jardin la plus belle des grenades. Et un à un j’ai compté les arilles. Trois cent treize ! Loin du compte. Alors qui croire. Forcément j’ai des doutes. Et si c’était la même chose pour le serpent. Et comme fait exprès ne voilà- t-il pas que se présente devant moi une chenille noire et jaune. Voilà qui me semble raisonnable. Au lieu de la pomme et le serpent, la grenade et la chenille. Mon paradis sur terre

Education sexuelle des pré-adolescents

Le sexe à l’école. Le thème est tendance et polémique. Certains sont farouchement pour, certains sont farouchement contre. Tout dépend en fait de l’idée que se font les parents de leur propre sexualité. Selon moi c’est dans le cadre de la famille que cette éducation doit être initiée. Moi en tout cas j’ai passé toute ma scolarité sans que ce thème ne soit abordée une seule fois. Mais c’est à chacun de voir midi à la porte de sa famille.

J’ai pu comme enseignant en terre musulmane à Mayotte avec des jeunes ados âgés de 11 à 16 ans intervenir pour dire que ce n’est pas en dansant qu’on tombe amoureux. Les filles et les garçons, à part quelques cas isolés, refusaient de pratiquer ensemble des ateliers de danse. Ou alors quand ils dansaient il ne fallait surtout pas qu’ils se regardent dans les yeux car ils pourraient tomber amoureux. Par contre quand ils étaient laissés libres entre eux et qu’il mettaient de la musique alors c’était des mouvements du bassin des plus débridés qui faisaient les délices de tous, jeunes et moins jeunes, voilés ou pas. Certaines ne dansaient que si elles avaient un foulard sur les épaules pour tenter de cacher leurs formes.

Il faut dire que la foi musulmane sépare les sexes et que l’éducation nationale les mélange. Il a fallu que moi m^me je m’y mette que je danse pour que les élèves comprennent par a plus b que danser avec une fille ou danser avec un garçon ne rendait pas amoureux. Je prends cet exemple pour tenter d’expliquer que la sexualité joue dans le psychisme des gens et est ancrée ans leurs traditions les plus archaïques. L’école selon moi n’a pas à intervenir dans les couches les plus profondes de notre psyché mais elle peut les aborder sous forme ludique par des films, des dessins animés, suivis d’une discussion.

Je me souviens que l’un de mes fils s’est réveillé une nuit en pleurant. J’ai mal au pipi, me dit il. Il avait en effet un zizi tout dur et je lui ai proposé d’aller faire pipi en lui disant que ce n’était pas grave, qu’il devenait un homme. Le lendemain je lui ai expliqué que ça pouvait lui arriver souvent dans sa vie et qu’il suffisait d’aller faire pipi que ça se calmerait.

Je ne crois pas que cela aurait servi de lui dire qu’on a plusieurs érections par nuit en fonction de chaque sommeil paradoxal.

J’ai eu aussi une fille qui vers l’âge de onze douze ans a eu des premières règles. sa mère n’était pas présente. nous étions séparés depuis quelques années. elle était en vacances au bord de la mer et voilà que ses règles arrivent. La je dois dire que j’ai été un peu démuni. et que c’est mon épouse d’alors et sa mère qui se sont occupés d’elle.

Ce n’est pas facile d’évoquer le sexe avec ses enfants. J’ai voulu essayer avec mes deux derniers et je crois qu’ils me regardaient comme un extra terrestre. pourtant avec les garçons nous prenions jusqu’à l’âge de 3 ou ‘4 ans nos bains ensemble dans la baignoire jusqu’à ce que j’observe qu’ils avaient un regard un peu trop appuyé sur mon sexe. C’est alors que j’ai décidé qu’il était temps que chacun ait son intimité sexuelle.

A chacun sa pudeur. Evoquer une petite copine à l’école peut être un sujet de fierté pour certains mais aussi d’angoisse pour d’autres. on a vite fait de se faire targuer de cochon, de vieux libidineux alors qu’on ne veut en fait que montrer qu’on est ouvert pour en parler.

Mes parents n’ont jamais évoqué les questions sexuelles avec moi, ni mon père, ni ma mère. Vers l’age de douze ans à ma puberté ma mère a acheté une collection de Tout l’Univers et m’a dit à peu près cela:

Si tu veux savoir quelque chose, tu es libre. Je ne suis pas capable de t’expliquer et ce ne sera pas ton père qui le fera lui même. Cherche et tu trouveras.

Comme j’aimais beaucoup lire, j’étais un rat de bibliothèque, je me suis documenté, je me suis éduqué de la sorte. J’ai complété par le magazine américain Playboy et par l’observation en cachette de mes soeurs . J’ai dû en fait apprendre sur le tard. Par contre ma mère m’a toujours bassiné les oreilles sur le fait que si je faisais l’amour avec quelqu’un j’aurais un enfant et cela m’a traumatisé pendant longtemps.

Pa ay mété fon ti moun a dan on vant a on timoun, siy tomné ansent ouké regrété tout vi aw !

Je voulais étudier, donc je ne faisais pas l’amour. Les bisous, les câlins mais pas de pénétration. Un jour j’étais dans ma chambre avec une fille de mon âge et nous en étions déjà aux préliminaires, dans ma chambre, j’avais mis le verrou, c’est alors qu’elle a frappé à la porte et nous a ordonné d’ouvrir immédiatement. Elle n’acceptait pas ce genre de choses dans sa maison. J’ai donc résolu à partir de ce fameux jour de faire mes affaires, mes combats comme disent les Antillais, dans les parcs, sur les bancs, contre un arbre, un mur, sur l’herbe et chez les jeunes filles mais jamais chez moi.

Quand ma deuxième fille a eu 13 ans je l’ai appelée et je lui ai dit :

Voila tu as tes règles et tu as l’âge de faire l’amour. Tu n’es peut-être pas prête encore mais, au cas où, sache que tu peux aller voir un médecin, une gynéco et prendre la pilule. Tu as mon accord. De toutes façons tu n’as pas besoin de mon accord, ton corps est le tien.

Bien sûr elle a protesté que non, qu’elle n’était pas prête mais j’ai insisté pour qu’elle fasse la visite pour être prête le jour dit.

De la même façon j’ai toujours offert à mes enfants vers l’âge de douze ans deux ou trois préservatifs au cas où. Be ready, c’est ma démarche. Il ne faut pas être pris au dépourvu.

Je pense qu’il faut arrêter d’être niais ou de faire le niais. Il y avait autrefois un mot très joli pour dire dépuceler, qui était déniaiser. Le rôle des parents selon moi c’est de déniaiser, tirer du royaume obscur de l’ignorance, sans tabous. Répondre à leurs interrogations quand elles se posent. Mais c’est à eux qu’il conviendra de choisir le jour, l’heure, l’endroit et la personne adéquate pour leur dépucelage.

J’ai vu au Brésil des familles dont les jeunes filles même âgées de plus de trente ans se cachent les yeux et détournent la tête quand un acte sexuel est pratiqué dans un film. J’en ai toujours ri. Mais que voulez-vous, les tabous et les faux-semblants ont la vie dure.

En ce moment les pouvoirs publics envisagent de donner à l’école primaire des cours d’éducation sexuelle pour les pré-adolescents. Cela fait polémique. Cet article cité en première ligne du Journal du Dimanche synthétise bien où nous en sommes en France en septembre 2018.

Chacun voit midi à sa porte. Moi je préfère les solutions familiales. Ces solutions ont besoin d’outils adaptés. Parmi ces outils il y a le site Nouveaux Plaisirs qui prône une éducation sexuelle épanouie pour tous et par la même occasion pour les pré-adolescents de 8 à 12 ans.

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J’ai particulièrement apprécié la mise en relation avec la plateforme de service de streaming Blackpills où est publiée la série animée orientée cul Peepooodo and the Super Fuck Friends (Littéralement Faispipicaca et les Super Amis de la Baise). C’est une production française de Bobbypills avec Yves Balak, Brice Chevillard et Nicolas Athané. Attention : interdit aux moins de 18 ans.

Mais c’est à vous parents de voir et laisser voir à vos ados ou pré-ados. A gouttes homéopathiques si vous préférez. Comme le dit en préambule la série ce n’est pas parce que c’est salissant que ça salit. En anglais :

It’s not beacuse you gte down and dirty that’s it’s dirty

J’ai trouvé la série très drôle, extrêmement bien documentée, crue certes jamais vulgaire et surtout divertissante, informative et rythmée. On y évoque sur dix-huit épisodes de 4 minutes à travers quelques héros bien déjantés : un hamster rose, Peepoodo, un ours blanc Kevin, une chatte infirmière Docteur Monique Lachatte, deux lapins Mr (Jean-Luc) et madame (Kimberley) Lapine, un taureau appelé Grocosto, une éléphante appelée Lilifan, presque tous les aspects d’une sexualité féconde, positive et décomplexée (hormis la pédophilie et la nécrophilie) et même la sexualité senior. On y apprend par exemple comment stimuler sa prostate par voie anale. On y apprend que le viagra ne s’accommode pas bien du jus de pamplemousse par exemple et que si l’on prend de ce jus cela annule les effets du viagra. Je ne prends pas encore de viagra pour l’instant mais c’est bon à savoir. Et je remarque que mon médecin m’a interdit de prendre du jus de pamplemousse en raison de mon traitement d’insuffisance rénale. J’ai appris aussi par d’autres personnes et en consultant le net qu’il fallait éviter aussi de prendre de la carambole.

Dans le même ordre d’idées vous pouvez prolonger vos états d’âme en matière de sexualité sur vos états d’âme en matière de psychanalyse en regardant suer la même plateforme Blackpills la série Crisis Jung qui en dix épisodes de 5 minutes sous la haute autorité de Jérémie Perin, Gobi, Laurent Sarfati et Baptiste Gaubert nous entraîne sur la piste des amours de Jung et de Maria avec la participation exceptionnelle de Petit Jésus.

J’ai tout autant apprécié malgré mon ignorance complète du norvégien (grâce notamment aux sous-titres) la mise en relation avec le programme norvégien d’éducation sexuelle Newton. Le NRK, depuis 2015, évoque en norvégien en huit épisodes tous les menus détails de la sexualité à la puberté : l’apparition des poils, la croissance, le pénis, le vagin, la sueur, les seins, la voix, les règles, les éjaculations involontaires, l’acné, etc

newton

Le tout sur le ton du divertissement et de l’humour.

Prescripteurs alimentaires, esprits, saints et défunts

Nos choix en matière alimentaire sont largement dictés par notre inconscient, par nos expériences de vie, par celles de nos ancêtres.

Nous croyons tous avoir un libre-arbitre , un pouvoir décisionnel qui nous donnerait la faculté de décider ce que nous avalons, et le pourquoi et le comment de ce geste « avaler » alors qu’en fait de matière alimentaire nous sommes les patients et les élèves de prescripteurs et de précepteurs alimentaires divers.

J’étais il y a deux mois à un dîner anniversaire. Un de mes frères fêtait ses 60 ans. Etaient présents sa fille aînée et son mari et leurs quatre enfants, âgés entre deux et 10 ans, 3 garçons et une fille, ma soeur benjamine de 50 ans et sa fille de 10 ans, mon épouse et moi cela se passait dans un restaurant à Saintes en Charente-Maritime. On nous sert les boissons.

Que désirez vous ?

Mon frère demande un Porto, je le suis. Il se ravise et prend une bière parce que son beau-fils a pris une bière. Je prends moi aussi une bière. En fait j’allais prendre un vin moelleux mais je me suis ravisé. Ma femme hésite puis finalement fait comme ma soeur et prend un vin moelleux. Les enfants prennent tous un coca avec des glaçons. Pour la petite dernière c’est un verre de grenadine.

On nous sert des petits apéritifs : des olives et des cacahuètes. Et là je m’aperçois que la petite fille de 2 ans se remplit d’olives vertes dénoyautées avec une sorte de joie intense. C’est un plaisir de la voir manger. Et je me souviens alors que moi je n’ai mangé des olives qu’à l’âge adulte et encore avec parcimonie. Aujourd’hui j’en grignote quand on m’en offre mais cela ne fait pas partie de ma culture. J’en parle à ses parents qui disent qu’elle adore les olives vertes. Le père plaisante:

Elle en prend toujours avec un petit Martini.

Tout le monde rit. Mon frère admet lui aussi n’en avoir goûté qu’adulte, tour comme ma soeur. Nous nous souvenons qu’à la maison nous ne mangions jamais d’olives. Cela ne faisait pas partie de notre culture.

Les cacahuètes par contre, qu’on appelle chez nous pistaches, font partie du décor et j’ai dû en manger dès que cela ne présentait pas pour moi de risque d’étouffement. J’ai mangé du sikakoko ça c’est sûr. Les cacahuètes caramélisées. hum c’est l’un de mes parfums d’enfance. comme le sorbet à la pistache ou au coco.

Si nous avions mangé chez ma mère il y aurait eu sans doute du Porto, du Martini, du punch coco, du rhum, un punch monbains, un guignolet, etc. Ensuite comme entrée un plat de saucisson en tranches accompagnées de carottes, râpées, concombre râpé, avocat

Trois d’entre nous prennent une entrée : le gendre du foie gras, mon frère et sa fille chacun une cassolette de pétoncles avec des carottes. Nous sommes dans une région où les fruits de mer sont abordables. Nous sommes à 50 km de la mer.Ma femme et moi nous nous abstenons ainsi que ma soeur. Nous mangeons peu le soir.

J’ai commandé instantanément mon plat, souris d’agneau. Chaque fois que je prends de l’agneau je pense à mon père pour qui fêtes de Noel, Pâques, mariages, anniversaire rimait avec agneau.

Mon frère prend des rognons de veau. Alors là je suis surpris:

-Tu aimes ça, toi ? Moi je n’en ai jamais mangé. Des reins, berk.

-Ah non c’est très bon, j’adore.

Moi je suis surpris. Il me dit qu’il en a toujours mangé et que notre père en mangeait aussi. Bien c’est fort possible mon père mangeait aussi des huîtres et ce n’est qu’adulte que j’y ai goûté. Mais il faut dire que mon père était militaire et qu’il est parti tout jeune dans la dissidence et là on l’a nourri à la française, à la bonne franquette. Cela explique qu’il aimait le vin rouge, les pommes de terre, les boites de cassoulet et les rognons. Il mangeait aussi beaucoup à la cantine quand il travaillait au ministère de l’Industrie donc son goût s’est élargi. Et moi donc je n’ai jamais goûté aux rognons. J’ai un jour au Brésil fait des efforts pour manger des gésiers de poulet en apéritif comme le faisaient tous mes amis brésiliens. C’est niet, ça ne passe pas. Les tripes, le foie, oui mais le gésier, le rein, les coucougnettes non merci. J’ai pourtant mangé du xinxim de bofe (du poumon) et ce n’était pas mauvais. Du sarapatel (un plat originaire du Nordeste du Brésil à base de toutes sortes de viscères rouges -fressura- comme la trachée, le coeur, le poumon, les reins, le foie , le baço e mouton ou de bouc). C’était à l’occasion d’un mariage et quand j’ai vu la manière dont tout le monde se régalait je me suis précipité et j’ai pris mon plat. et c’était divin. J’ai mangé mon bofe chez la mère d’une amie. Là encore tout le monde s’est régalé. Je ne pouvais dignement me défiler. Il m’est arrivé à une certaine époque de manger aussi la buchada de bode, la dobradinha ou le mocoto. La buchada de bode c’est un plat du Nordeste encore à base de viscères blanches de bouc (tripes et autres parties de l’estomac). La dobradinha je l’ai essayée car ma femme qui est originaire de Bahia aimait beaucoup. Je me souviens d’un restaurant près d’Itapoan où nous sommes allés à plusieurs reprises manger buchada ou dobradinha. La dobrainha est un plat à base de haricots blancs et tripes de boeuf (bucho) , .

Le mocoto c’est un plat à base de pieds de vache cuits avec des haricots et des légumes. J’en ai mangé une fois au petit déjeuner ! Il faut dire que je suis un aventurier et quand je suis entouré des bonnes personnes j’essaie tout. Il faut une conjonction des astres. Le jour où j’ai pris du mocoto au petit déjeuner c’était pour accompagner l’un de mes amis qui mourrait d’envie justement de manger un mocoto. il s’appelait Virgilio. nous étions dans un petit village dans un marché typique populaire de la Chapada Diamantina à Livramento da Nossa Senhora. Nous étions partis tous ensemble pour escalader le Pico das Neblinas. Je n’ai plus jamais revu Virgilio depuis, mais il est lié à jamais dans mon esprit au mocoto. Pour un originaire des Antilles qui a toujours mangé du boudin depuis sa plus tendre enfance je devrais être ouvert à toutes les viscères car finalement le boudin c’est à la base un boyau de boeuf, du sang, des herbes et des épices. J’ai une résistance que je dis naturelle. Mais le dégoût que je ressens peut avoir été hérité de mes ancêtres. Mais on peut fort bien dépasser les interdits alimentaires de ces ancêtres. Mon père me disait ne jamais manger d’ananas le soir. Si on en mangeait on aurait une tête d’ananas. cela ne m’a jamais empêché de manger de l’ananas si j’en avais envie et à l’heure de mon choix. Par contre ma mère n’aimait pas les gombos. Donc elle n’en cuisinait jamais. Comme c’est mon père qui faisait ce type de courses et que je l’accompagnais tout petit aux Halles pour faire les emplettes j’ai acquis le goût des gombos à travers lui. Mais jusqu’à aujourd’hui je ne l’ai jamais vu préparer des gombos.

Aujourd’hui je suis en Guadeloupe à Deshaies c’est le premier novembre, jour de tous les Saints, la Toussaint. Demain ce sera la fete ces Défunts. Aux Antilles saints et défunts ne font qu’un. Ce sont des esprits. et on leur prête hommage malgré les imprécations véhémentes de monsieur l’abbé qui leur prêche que le 1er c’est le jour des saints et le 2 le jour des défunts. et qu’il faut rendre hommage le jour qui leur est dédié aux saints et le jour qui leur est dédié aux défunts. Mais la plupart des antillais ne l’entendent pas de cette oreille. Depuis deux semaines les cimetières sont transformés en carwash, on lave, on récure, on fait briller, on bichonne les pierres tombales, on peint, on maçonne, on balaie, bref on fait le grand nettoyage pour que morts et saints mais surtout les morts sentent bien qu’on ne les oublie pas. Et pour cela on les illumine car ils aiment la lumière. Vive dans les ténèbres cela fatigue la vue. Alors bougies et lumignons font la lune et le soleil sur leurs âmes.

Moi je pense bien sûr à mes morts, mais toute l’année via la généalogie. Je n’ai nul besoin intime d’aller sur leurs tombes les éclairer. Car je ne sais comment éclairer la poussière des os. Mais j’irai par curiosité car ce sera la première fois de ma vie au cimetière passer le premier novembre un petit moment de lumière avec les morts.

Mais déjà de bon matin je les ai célébrés à ma façon. Je me suis préparé un petit déjeuner en hommage à mes morts. Probablement l’un de ces derniers me l’a soufflé pendant que je dormais. J’ai sorti une mesure de semoule de mais, cinq mesures d’eau, du sel, du poivre, du lait en poudre, de l’huile d’olive et du beurre, plus deux tranches de gouda, une grande marmite, tout ça pour faire les grits.

Quand j’ai craqué l’allumette et quand j’ai enflammé le gaz j’ai senti que les morts sautaient-mataient. Yépa, disaient-ils tous en choeur

Nou kay manjé mayis, mé frè

Puis j’ai sorti 6 wassous, le wassous c’est l’écrevisse, 6 grosses écrevisses. l’ail, l’oignon, le poivre, le vinaigre balsamique, le sel, la ciboulette, le persil, le piment végétarien,le bois d’Indee et le caribbean fish seasoning. Alors là j’ai senti les nez des morts trembler d’aise et de plaisir

Way, wassous, lézanmi ! Woy ! Mi banké ! Shrimps lézanmi, Shrimps ! Nou kay manjé grits and shrimps

C’est alors que je leur ai donné le coup de grâce, comme une extrême onction culinaire : j’ai sorti deux oeufs de poule de la Guadeloupe, élevée au bord de la mangrove donc parfumée aux crabes de terre.

Apavré ! Grits, shrimps and eggs ! Mé missié la sa sé on sen, sé on mawti, i kon nou minm !

Et une fois mon repas prêt je me suis mis à chanter tout en mangeant:

Faya faya manman alé jénéss simityé, alé jénés simityé man ka mandé lè répondè ayayay

Chaque bouchée d’ècrevisses, de bouillie de maïs ou de zé je la dédiais à l’un de mes ancêtres : une bouchée pour Vivik, une bouchée pour Julienna, une bouchée pour Fillotte, une bouchée pour Joseph, une bouchée pour Jean, une bouchée pour Man Bise, une bouchée pour Monrose, une bouchée pour Jeanine, jusqu’à ce qu’on arrive a Magdeleine. Puis je suis redescendu, j’ai parcouru les mornes de la Guadeloupe et de la Martinique, j’ai vu défiler Bouillante, Schoelcher, Saint-claude, Baillif, Case Pilote, fort-de- France, Vieux-Habitants jusqu’à ce que j’en arrive à la soixante-sixième cuillèrée. Branlre-bas de colmbat. qui aurait cert honneur insigne e se » voir déier la dernière cuillère de cette année. Je n’ay avais pas penséz mais au moment même où je mettais la cuillère dans la bouche je m’entendis prononcer :

Une cuillère pour Charles-Henri, mon petit frère, trop tôt disparu.

Ki zafè a dispari ésa, missyé Jean-Marie je suis là, costaud, ban mwen manjé an mwen, siuplé !Mais di mwen on bitin, poukisa tu ne nous as pas préparé un bon ti kalalou krab, vyé frè ?

Les morts sont comme ça. Yo pa jin kontan. Tu leur donnes chat ils veulent rat, tu leur donnes viande cochon ils veulent poisson épi zo, c’est comme ça, il faut toujours qu’ils fassent un petit caprice. Ils ne sont jamais satisfaits. Mais je sais comment les prendre. Je leur sers pour terminer une bonne rasade de leur petit rhum sec, le Bologne qu’ils affectionnent plus particulièrement. Awa mes morts pa ka bwè Riklès ! Ils se mettent à la queue leu leu comme pour recevoir l’ostie sainte

Messyé messyé, merci mon frè, tu n’as pas oublié mon ti viyatik,

font-ils en sautant matant de plus belle une fois obtenu leur petit viatique. Certains communient même deux fois

Verses en moi encore un ti krazi la goutte. Je ne vais pas partir sur un pied quand même, a laj anmwen épi toute la sciatique en ka soufè, doulè, doulè

Si je les écoutais je ramènerais une dame-jeanne pleine.

Au moins zafè aw bien, ou pa ni diabète, pwofité mon frè, pwofité bien lanmo aw, tchimbé réd pa moli

Le soleil s’est levé et avec lui les ombres de mes ancêtres se sont couchées. Quant à moi c’est, heureux et nostalgique en même temps, le ventre plein de grits and eggs et shrimps et passablement imbibé de bonne guildive que j’entame ma soixante-sixième Toussaint. La première première à Bouillante.

Notre corps endormi est un musc rare qui s’ignore

Je me réveille souvent vers les demie deux heures, deux heures et demie du matin quelle que soit l’heure où je me suis couché, c’est probablement la fin de l’un de mes sommeils paradoxaux et sans même m’en rendre compte je vais satisfaire deux besoins naturels. Le premier je retire l’eau du genou, un euphémisme brésilien pour dire pisser (tirar água do joelho). Après m’être secoué vigoureusement le genou je m’offre un verre d’eau fraîche. En fait ce n’est pas un verre, je bois au goulot de ma bouteille jusqu’à saciete. Et puis je me recouche. Lors du réveil final c’est le même rituel. Mais juste avant juste après en fonction de la qualité de la nuit je satisfais à deux autres besoins vitaux. Un je dégage délicatement du coin de mes deux yeux en fermant les paupières cette sécrétion visqueuse qui me prouve que j’ai bien dormi et qu’on appelle chasse en français, Kaka zyé en kreyol, remela en portugais et rheum ou sleep en anglais. Je ne la regarde jamais je la retire et je la jette probablement au sol. C’est un geste imperceptible, automatique. Ensuite je mets mes lunettes et la journée commence. A un moment de la journée que je ne saurais identifier j’utilise l’index de ma main droite et je fouille dans l’oreille pour en dégager le cérumen, le kaka zorey, parfois j’y vais au coton-tige mais je réserve celui-ci pour la cire visqueuse qui ne s’est pas solidifiée . J’aime ces petits riens qui jonchent ma journée. Ce sont des petits rituels somme toute jouissifs auxquels personne ne trouve à redire. Je peux aussi me gratter le dos pour faire cesser une démangeaison. Ah ces petits fluides corporels, ces sécrétions quotidiennes et nocturnes, qui d’entre nous ne les vit pas comme un mal nécessaire, une preuve de vie. Je m’imagine mal me lever, ne pas uriner, ne pas me gratter, ne pas prélever de cire au coin de l’œil ni au fond de l’oreille. Le jour où cela se produira préparez le corbillard. Mais il y a pour certains une limite à ces pratiques. Se fouiller le nez pour en tirer la substantifique moelle, ce que nous appelons le kaka né en kreyol. Le kaka né est solide, c’est la crotte de nez, le rim est liquide. Le rim c’est le rhume, la morve. En anglais snot, quand c’est humide et boogie quand c’est sec. Et il semblerait que par analogie seuls les enfants de moins de trois ans aient le droit de se délecter de leur rhume, de leur glaire et de consommer leurs crottes de nez comme si c’était du caviar d’esturgeon iranien. On les appelle d’ailleurs pour cette raison de petits morveux. Cela prouve bien que la morve est plus taboue que la chassie ou le cérumen. Qu’un homme de mon âge se fouille le nez pour se nettoyer surprend. Au nom de l’hygiène toute puissante il ne faudrait pas. Les yeux les oreilles, à la limite oui mais se tripoter le nez c’est comme se mettre un doigt dans le cul, ou se masturber, c’est indécent, le vivre ensemble ne l’accepte pas. A la limite chez soi dans le huis-clos de son foyer mais là encore il y a le regard impitoyable de l’épouse qui vous glace et empêche la progression du doigt vers le nez. Tout le monde n’a pas mes narines larges et épaisses qui permettent d’introduire sans heurt l’index dans l’orifice nasale. Les jaloux me vouent aux gémonies. Ils voudraient que j’utilise une solution nasale, oculaire ou auriculaire appropriée. Les mouchoirs en papier à la rigueur car ceux en coton ne sont plus hygiéniques.

Question fluide corporel j’ai mes propres aversions. Par exemple je déteste les crachats. Je ne crache pas. C’est culturel dans certains pays. Parfois en me réveillant je sais que j’ai mal dormi quand sur mes lèvres il y a un petit film, une mucosité coagulée d’on ne sait quoi.

J’ai récemment lu qu’un médecin autrichien aurait découvert que les gens qui se mettent les doigts dans le nez sont des gens heureux à l’écoute de leur corps. Je n’en fais pas parole d’évangile. Je suis un animal comme les autres. Si j’avais mis bout à bout toute cette matière sèche, toutes ces crottes de nez, chassies et cérumens vénérables que mon corps a produits au cours des soixante-six ans de mon existence je pense que je pourrais atteindre mon poids corporel d’aujourd’hui. 90 kilos. Je pourrais alors entrer au museau de cire de Madame Tussaud ou au livre des records comme le plus grand collectionneur de cire corporelle du monde et qui sait si on ne se battrait pas pour obtenir quelques échantillons de mon musc rare. Cent pour cent bio, naturel et durable.

Au bal aérien des maringouins nul ne sait qui est mâle, qui est femelle

A l’embouchure de la rivière Nuit commence le bal des maringouins. Ce ne sont ni marins ni gouins, d’ailleurs pour être parfaitement honnête il faudrait rebaptiser ces diablesses-la des maringouines car seules les femelles vous sucent le sang comme si c’était du punch coco. Oui nos cousins maringouins font du bruit, aboient à l’orée de vos oreilles certes mais ne mordent pas. À cause de ces demoiselles derebenales assoiffées de globules des générations entières de maringouins sont mis au ban de la société de la bienséance. Et comment savoir si l’être volant et suceur de sang est mâle ou femelle ? Comment faire le distinguo ? Je n’ai jamais craint ces vampirellas ivrognes et amatrices de boudin pimenté comme le mien. Jamais je ne me suis ondoyé de vinaigre pour faire face aux piqûres de ces volantes à deux ailes aux têtes plus petites que des épingles. Ces moucheronnes sont semble-t-il allergiques à mon sang mâtiné aux sources chaudes de la rivière Bouillante. Mon corps tatoué de tafia ne leur a jamais donné visa ni pour les ampoules ni pour les démangeaisons . Ces incommodes arrivent parfois en vrombissant sur le basané de ma chair comme dans un dessin animé de Woody Woodpecker, se cognent la trompe sur ma peau rêche qui leur inflige trois décharges de secousses électriques et repartent la queue basse sans demander leur compte. Appelez en tupi ces cousines, mauvaises larronnes, par leur nom original, maruim, mais toutes les variantes patronymiques mordent autant : marangwen, marangwon, mayengwen, mayangwen, mayangwan, marwen, marengwen…et pendant que ces dames s’amusent et se vautrent telles des truies illuminées dans leur bauge sanguine ces messieurs végétariens font la sieste et maudissent les dieux et esprits qui les ont affublés de ce sexe faible qui les prive de ces délices humains et animaux et les condamne à n’aspirer de leurs trompes faites pailles que Riqlès , Great ou cocos à l’eau.

Spectre de corps noir et trous noirs

Nous sommes conditionnés par les mots et leurs usages. Prenez le groupe de mots suivant. Spectre de corps noir et trous noirs. Blackbody spectrum and black holes en anglais. Quand je pense à spectre je pense tout d’abord à un fantôme, qui avance masqué sous un drap blanc. Ce drap pourrait être bleu, blanc, violet, jaune, maculé de sang ou de sperme, plein de particules de sable ou de miettes de pain, cela pourrait être imbibé d’urine, ça pourrait être une alèse . Ça pourrait être une lange, une couverture en patchwork, que sais-je de la soie, de la laine ou de la vieille toile cirée, mais non quand je pense à spectre je vois à priori un drap blanc immaculé qui marche ou vole. Ce sont ces représentations induites qui nous bornent et nous empêchent d’être créatifs. La créativité c’est sortir de ces représentations évidentes, sécurisantes mais qui ne reposent sur rien, qui se fondent sur l’implacable impalpable. Pour représenter un dieu on mettra un vieil homme sage et bon doté d’une barbe bien taillée et d’une épée ou d’une hache pour au besoin châtier ceux qui le méritent. Ou alors un animal, une vache, un chat, un lion, un éléphant, un serpent. Un aigle. Voire un objet en or comme la Toison, ou un totem en forme de veau. Ou simplement la mer, le soleil, les étoiles. Nous naissons conditionnés par nos parents et par les systèmes à travers lesquels ils naviguent sans boussoles. Les systèmes de pensée véhiculés de la sorte s’impriment et s’epanouissent en nous. C’est la loi du genre. Comment en vouloir aux parents ? Ils font de leur mieux pour expliquer l’inexplicable. J’ai été parent, je me suis encore. JE COMPRENDS QUE POUR ÉCHAPPER AU DOUTE IL FAILLE ENONCER QUELQUES certitudes à sa progéniture… OR DANS LA VIE IL Y A TRÈS PEU DE CERTITUDES. ON ÉBAUCHE DES HYPOTHÈSES ET ON ESPÈRE QU’ELLES SE VÉRIFIERONT DANS LA PRATIQUE. AINSI VA LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE AINSI VA LA MARCHE DU MONDE. POUR CEUX QUI ONT BESOIN DE CERTITUDES IL EXISTE LES TABLES DE LA LOI, LES ÉDITS RELIGIEUX, LES DIX COMMANDEMENTS GUIDES PAR LE BON SENS MAIS QUI VOUS DISENT QU’IL EST POSSIBLE DE MOURIR ET DE RESSUSCITER, QU’IL EST POSSIBLE DE MARCHER SUR l’eau et de séparer la mer en deux, QU’IL EST POSSIBLE DE CHANGER L’EAU EN VIN ET LE PAIN EN POISSON. QU’UNE VIERGE Miraculeuse PEUT ENFANTER PAR SIMPLE VOLONTÉ DE DIEU SANS Visitation préalable DE SPERMATOZOIDES. POUR SIMPLIFIER NOTRE CONNAISSANCE DU MONDE IL Y A DIEU Et Ses OMBRES. Dieu QUI EST OMNISCIENT ET TOUT PUISSANT. L’HOMME, LA NATURE, LES ANIMAUX TOUT LUI EST REDEVABLE. LE BONHEUR COMME LE MALHEUR, CAR LE MALHEUR (QUI PEUT S’ABATTRE SUR CERTAINS ET QUI FINIT TOUJOURS PAR S’ABATTRE PUISQUE NOUS SOMMES MORTELS) fait partie du bonheur. Dieu nous teste. Nous devons prier et implorer grâce et miséricorde. Pour nous et nos défunts. À cette condition nous irons au paradis et aurons la vie éternelle.

J’envie presque ceux qui ont la foi. Je ne comprends pas qu’il ne veuillent pas mourir tout de suite pour goûter immédiatement aux délices de la vie éternelle et de la résurrection de la chair.

Mais revenons à mon propos de spectre de corps noir et trous noirs. Après spectre il y a corps. Un corps vivant ou mort, céleste ou gras, d’élite ou de métier ?

Et de quel noir s’agit-il ? Celui darker than blue de Curtis Mayfield, celui du vendredi, celui de l’idée, de la suie, du crayon, celui des veuves, celui du cabinet, celui de la négritude ou celui de la tigritude ?

Les trous sont-ils d’eau ou de mémoire ?

On peut faire dire au mot ce que l’on veut, exactement comme on fait un assemblage de raisins pour fabriquer le meilleur vin. Faisons des assemblages de raisons pour fabriquer une meilleure vie. Jouons avec les moûts, les sulfites, les sucres ajoutés, soyons les vignerons de nos propres vies. Taillons nos sarments de nos sécateurs et badigeonnons nous de doute pour que nos corps-ceps sortent de leur corset et résistent aux pucerons et épidémies de phyloxera. Nous sommes nos propres récoltants. Mais nous aurons toujours quoi que nous fassions devant nos yeux, implacable, le spectre de corps noir et trous noirs.

Le spectre en physique est un faisceau de radiations monochromatique. Le corps noir est un objet idéal totalement absorbant à toute radiation électromagnétique. Il absorbe tous les rayonnements quelque soit leur longueur d’onde et leur direction. Tout cela a été théorisé et appliqué par des physiciens, astronomes depuis Stefan (1879)et Plank (1900). Un objet noir à une température uniforme.

Le trou noir est un objet céleste compact qui emprisonne en lui les rayonnements. C’est parce qu’il n’émet pas la lumière qu’on dit qu’il est noir donc invisible pour les astronomes. Souvenons-nous en effet que le noir c’est l’absence de lumière. L’absence de couleur. Regardez bien l’arc en ciel vous n’y verrez ni noir ni blanc. Mais une successions de spectres. Allant du plus chaud au plus froid. Du bleu au rouge.

Décalaminage horaire

Ah le jet lag. Voilà bien quelque chose que je croyais jamais devoir tester. Je me croyais vacciné, immunisé depuis les nombreux vols transoceaniques que j’avais effectués. Tonnerre ! Paris- New York, Paris-Rio, Lisbonne Salvador, Bruxelles-Buenos Aires, Paris-Mamoudzou, Madrid-São Paulo. Même pas mal. Mon corps engloutissait les km et les heures de jet lag comme si c’étaient des morceaux de boudin fumé . 6 heures par ci, cinq heures par la, en plus ou en moins. Mon corps amortissait les décalages horaires le jour même. Pas le lendemain. Le jour même. J’étais un polyglot trotter, un expert en fuseaux horaires. Ma martingale était la suivante. Dès le premier jour, s’obliger a vivre à l’heure locale. Eh bien il faut se rendre à l’évidence désormais. Cette idylle entre moi et le jet lag a vécu. Ce temps heureux a vécu. Le jet lag est tombé dans mes reins. Je vis en décalage. Je suis décalaminé . On peut parler alors de décalaminage horaire. Les bonnes recettes d’antan que je croyais posséder se sont envolées comme des perdreaux de l’année au-dessus des razyés. Je suis décalé. Je vis six heures avant l’heure. Je me couche entre sept heures et sept heures et demie du soir et me réveille vers minuit. J’ai réussi par je ne sais quel miracle un jour à me coucher à 10 heures du soir mais à deux heures du matin j’étais les yeux grands ouverts à jeun comme un chirurgien au mois de juin. Alors la question se pose avec acuité après cette sixième nuit d’affilée de nuit blanche. Insomnie chronique ou décalage horaire ? Ce vol Paris-Pointe-à-Pitre avec une arrivée comme par hasard à 19 heures a mis mon horloge interne en piteux état. Il m’ est arrivé d’avoir une nuit un peu grise autrefois, rarement il est vrai, mais cela a dû arriver, une nuit, mais six nuits blanches. Never. Nunca. Jamais.

QUE FAIRE ? ATTENDRE QUE JEUNESSE se passe ? ATTENDRE QUE LES NEURONES s’acclimatent ? J’ai l’impression, me connaissant comme je me connais, que je risque d’attendre vitam æternam. Je sais qu’il faut que je me couche le plus tard possible mais dès que sept heures sonnent le mécanisme irréversible du sommeil me prend au niveau des paupieres. Je sombre corps et biens. C’est le gouffre, le trou noir. LE VENTRE DE LA BALEINE MOBY DICK. C’EST LE PLONGEON IRRÉVERSIBLE. Il n’y a rien faire. J’ai beau lutter. J’ai essayé le café et c’est vrai que grâce à lui j’ai tenu une fois jusqu’à 10heures du soir sans effort. Mais j’étais debout à deux heures.

J’ai testé de prévenir ce jet lag intempestif avec un vaccin préventif bien dosé au ti punch prune de cythere, cela n’a fait qu’accélerer le sommeil.

J’ai essayé de dribbler le marchand de sommeil en engloutissant vers l’heure fatidique une gamelle de riz. Nenni. C’est une chape de plomb qui m’envahit vers 19 heures, dix heures trente, soit une heure, une heure et demie du matin de l’heure d’avant. L’heure de Paris. Greenwich +1.

Alors de guerre lasse j’ai testé sans la climatisation. Terrible. La climatisation à 24 degrés, la climatisation à 27 degrés. Pas mieux. Je n’ai jamais trop aimé la clim.

Ah je n’ai pas encore essayé une tisane. Tiens. Je vais y réfléchir pour ce soir.

Mais en y réfléchissant bien c’est peut-être ma nouvelle vie de retraité qui est en cause. Finalement je dors quand même entre 5 heures et 5 heures et demie par nuit et quand je me recouche à quatre heures et demie je me lève à 8 heures. Donc en fait c’est clair comme de l’eau de roche. Je vais avoir dans moins de dix jours soixante-dix ans. Mon corps se reprogramme pour me transformer en SOUKOUYAN. Il va falloir s’y faire.

Retraité soukouyan, c’est probablement ça le mal. Vivre en retrait, je ne m’y étais pas franchement préparé. Je pensais que la soudure serait simple comme bonjour. Le jet lag a bon dos. Voyons donc les choses autrement. Peut être faut-il simplement que je m’habitue à avoir une vie nocturne. J’ai toujours aimé la nuit pour écrire jusqu’au petit matin. Autrefois c’était épisodique. Maintenant c’est devenu chronique. Je pourrais en profiter pour cuisiner, laver mon linge, faire le ménage, profiter de la fraîcheur de la nuit. Qui sait me promener. Oui il va falloir me deconditionner. Allez ça va mieux en le disant. Ah oui la vieillesse c’est un métier qui s’apprend tous les jours, mais pour moi ce sera toutes les nuits.

Me voilà donc devenu SOUKOUYAN, volant, morfwaze. Je n’ai pas encore d’ailes pour voler mais sans doute vont-elles pousser en deuxième semaine. Les soukouyans ont des arbres qui leur sont chers. J’ai le choix autour de la maison où je suis entre trois ou quatre pyebwa. Un pied de prune de cythere énorme, planté devant sur le côté droit, un manguier et un pied de grenade sur le côté gauche derrière. Je crois que c’est le pied de grenade qui m’appelle on je vous laisse. Il est 1h45 du matin. Je vais me poser mon corps dans les bras de Morphée du grenadier.

L’huile de carapate artisanale de Man Philétas

C’est l’huile rare, essentielle. Élaborée en petites quantités infinitésimales quand la santé le permet car Man Philétas est diabétique et avance difficilement avec un bâton mais assaisonne toujours avec entrain son poisson et celui des autres quand on le lui demande.

Avec son mari Edmond , pêcheur agriculteur de Deshaies avec qui elle a lié son destin depuis 59 ans et mis au monde dix enfants, Catherine, une demoiselle Youyoutte de Gosier, épouse Philétas, forme un couple attendrissant la quatre-vingtaine bien sonnée. Dans les hauteurs de Deshaies à Caféyère c’est là que se prépare l’huile de palma christi, huile carapate artisanale de Man Philétas.

Il faut d’abord récolter les graines de carapate (Ricinus communis), les extraire de la gousse piquante de carapate séchée au soleil.

On les trie, les passe au tamis, pour éliminer tous les résidus, pailles, pierres, morceaux de bois, qui pourraient s’y trouver. Puis on les grille au feu de bois comme on fait griller les cacahuètes, on broie les graines dans un pilon ou dans un moulin artisanal et on en obtient une pâte  que l’on met ensuite à bouillir dans un grand chaudron d’eau. Chacun a sa recette gardée jalousement. L’huile remonte à la surface. On la récupère à la louche. Le litre de cette huile essentielle coûte 100€. La petite bouteille 10€. L’HUILE DE CARAPATE AIME VOS CHEVEUX ET VOTRE PEAU. Vous pouvez l’utiliser en massages, contre les rides, les vergetures, les cicatrices, ou contre la grippe en la mélangeant à des feuilles d’oranger, ou en purge à raison d’ une cuillère à soupe à laquelle vous avez ajouté du sel. LE FAIT QU’ON EN GRILLE LES GRAINES donne à l’huile carapate CETTE COULEUR AMBREE Et le parfum de cacahuète. ELLE ÉTAIT RÉPUTÉE DANS LE VAUDOU FAIRE POUSSER LES CHEVEUX SUR UN CRÂNE Sec qui se transformait en tête de sirène.

MAIS ON L’UTILISE AUSSI POUR LES PURGES. C’EST LA FAMEUSE HUILE DE RICIN. CELLE QU’ON TROUVE DANS LE COMMERCE EST Blanche ou mieux jaune, CAR ON NE LA GRILLE Pas. Elle est pressée à froid.

Cette huile de carapate est aussi connue sous LE VOCABLE abusif de Jamaican castor seed oil. JE DIS ABUSIF CAR LE CARAPATIER POUSSE PARTOUT DANS LE MONDE TROPICAL ET PAS SEULEMENT EN JAMAÏQUE ET QUE LE CASTOR N’A RIEN À VOIR DANS L’AFFAIRE. Aussi très utilisée au Brésil. ELLE EST ISSUE DU CARAPATIER QUI LA-BAS S’APPELLE Mamona ou carrapateira. A Haïti on l’appelle lwil maskriti qui est une appellation dérivée de palma christi.

Cette huile est utilisée aussi industriellement dans les solvants, les laqués, les cires, les biodiesels. Mais elle est hautement toxique et mortelle si absorbée en grandes quantités. Car la graine de carapate contient une protéine appelée ricine qui peut provoquer la mort rapide chez les hommes comme chez les animaux. Des travaux sont en cours par l’Embrapa au Bresil pour enlever toute sa toxicité à la graine de carapate et la rendre propre à l’alimentation animale.