Haïti et la musique africaine

10 finalistes s’affrontaient cette année pour le prix découvertes RFI  2018 avec par ordre alphabétique Azaya (Guinée), Barakina (Niger), Biz Ice (Congo), Buravan (Rwanda), Gasha (Cameroun), Geraldo (Haïti), Iyenga (RD Congo), Maabo (Sénégal), OMG (Sénégal) et Ozane (Togo).

Ce prix récompense les jeunes talents du continent africain depuis 1981.10000 Euros de dotation, une tournée en Afrique et un concert à Paris, voila la récompense !

L’an dernier c’est le Malien M’bouillé Koité qui avait dominé la finale face à la Camerounaise Lab’l, la Malienne Amy Yerewolo, la Sénégalaise OMG, le Togolais Prince Mo, l’autre Sénégalais Sarro, les Guinéens SO-S Def, Hans Nayna le Malgache et enfin le Togolais Willy Baby.

En 2016 parmi  As Gang Cote d’Ivoire), Pamela Badjogo (Gabon/Mali), Atis Constant (Haiti), Daba (Sénégal), Kandia Kora (Guinée), Minah (Madagascar), Angel Mutoni (Rwanda), Soul Bang’s (Guinée), Stella Afro (Madagascar) et The Ben (Rwanda) c’est   le guinéen Soul Bang’s qui fut lauréat.

En 2015 la cap-verdienne Elina Almeida l’avait emporté avec sa chanson  Ora Doci, Ora Margos (Lusafrica)

En 2014 ce fut le tour de la sénégalaise Marema

En 2013 le Burkinabé Smarty

La finalissime de 2018 a eu lieu le 8 novembre ! Je vais être franc avec vous, j’aime beaucoup la musique mais j’en écoute rarement. Ca me vient par vague, tout à coup je m’y plonge te quand j’en ressors je suis gavé pour 6 mois. Je suis une vraie éponge. Il suffit de me mouiller un peu et ma plante grandit grandit, ses feuillent naissent, des bourgeons apparaissent et il faut déja m’égourmander.

Etant caribéen j’ai eu tout d’abord la curiosité d’écouter Géraldo l’haitien. Ne connaissant aucun des interprètes il fallait bien commencer par quelqu’un et pourquoi pas quelqu’un de ma sphère immédiate de compréhension. Je n’oublie pas certes que j’ai des racines africaines mais j’ai pris ce parti-pris sans même y réfléchir de commencer par Geraldo.

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Selon Geraldo pour être sélectionné il faut avoir déjà commis un album avec au moins 6 plages. Mais j’ai tout de même une question qui m’intrigue. Il s’agit de musique africaine,  et si la musique haïtienne est considérée comme africaine on pourrait à juste titre considérer que toute musique caribéenne est également africaine et au-delà même toute musique black du nouveau monde y compris brésilienne ! Ce que je veux dire, et ceci sans polémique ni esprit de chapelle, sans pour autant nier à Haiti le droit d’y être représenté, (d’autant plus qu’un artiste haïtien y a été couronné en 2006, Belo aka Jean Belony Murat)  c’est que j’espère que des artistes antillais se présentent aux éliminatoires et proposent leurs oeuvres. Que d’autres leur soient préférés c’est la loi du genre mais cela me semble important dans un esprit de justice.

Bon, personnellement je ne suis pas très sensible, après écoute,  à la proposition artistique de Geraldo. Selon moi, mais cela n’engage que moi, ce n’est pas du niveau de Bethova Oba ou même de Belo. Mais l’expérience m’a permis de me faire voir que j’avais des a priori musicaux. J’entends d’abord ce dont je comprends le texte : en français en créole, en espagnol, en portugais, en anglais, donc prioritairement. Ce n’est pas faire insulte aux autres. Je peux réagir au rythme, au son mais il me faut l’emballage textuel compréhensible. C’est ma limite !Je vais tout de même me mettre en quête d’écouter tous les finalistes pour ma culture personnelle. Je suis sensible aux rythmes mais aussi au texte . au message ! Mais saluons et écoutons et faisons confiance au jury ! Le lauréat est Buravan ! Yvan Buravan du Rwanda avec son single Garagaza!

Traduttore, traditore

Les traducteurs sont des traîtres. Essentiellement. Certains moins corrompus trahissent moins que d’autres mais tous autant qu’ils sont sont passibles d’être passes aux armes par les mots pour crimes de haute trahison.

Je suis actuellement en train de traduire un recueil de poésie brésilien intitulé en portugais « Ardor e Ardências. » L’ouvrage paru en 2018 à pour auteur Inaê Silva Pereira Sodré. ISBN 978-85-66783-24-7. L’ouvrage porte en frontispice la phrase de Georges Bataille parue dans L’Erotisme, 1955:

« L’érotisme est dans la conscience de l’homme ce qui met en lui l’être en question ».

SUIT LA PHRASE DE L’AUTEUR

« GOZAR NÃO É ERRADO NEM PECADO, É GOSTOSO. »

MA PROPOSITION DE TRADUCTION: Jouir n’est ni mal ni péché mais jouissif .

Le titre m’a interrogé ! Ardeur et Ardences ou Ardeur et Ardances ? Dans Ardences on a ardeur et résistance donc résilience. Lequel des deux choisir. Ardor en portugais est masculin , ardeur est féminin. Je m’inquiète car cette ardeur est au centre du livre. J’y vois une femme aux proies des Ardences de son ardeur que chevauche une divinité afro brésilienne, la Pomba gira, que je pourrais appeler Maîtresse Erzulie, maîtresse, déesse, divinité, sorte d’Exu (Eshu), garde barrières maîtresse des chemins et des carrefours, épouse d’Elegba, qui lui ouvre les portes de la jouissance. La voilà devenue Esmeralda volant tel un oiseau de feu jusqu’à Séville et Grenade en Espagne. Oiseau lyre ou livre ouvert dont le corps se laisse lécher, feuilleter, déchiffrer comme un texte par un lecteur Roi qui transperce de sa dague les lignes, les phrases, les virgules et les réticences qui mènent à la possession et à la jouissance.

Certes le livre s’explore dans le cadre d’un panthéon afro brésilien. Pomba gira c’est l’Exu féminin, toute de noire et rouge vêtue. MAÎTRESSE Erzulie dans la cosmogonie rada du vaudou haïtien. Comment traduire ce Pomba Gira. J’ai proposé maîtresse, déesse, divinité. Qui se fait aussi appeler Padilha. MAIS J’AURAIS PU TOUT AUSSI BIEN L’APPELER CAVALIÈRE OU AMAZONE. L’IMPORTANT CE SONT LES IMAGES QUE L’ON CRÉE PAR LE TRUCHEMENT DES MOTS.

Et bien que je domine le portugais, je m’interroge pour:

1. Esquipa ! Que je traduis par appareille alors que envole-toi ou détale ou trotte auraient pu tout aussi bien s’appliquer.

2. Gira. je traduis par tourne mais pourquoi pas tourbillonne d’autant plus qu’on aura plus tard rodopia (tourner comme une toupie) et roda (tourne).

3. Atesta teu Cavalo. Teste ton cheval, chevauche ton Cheval, Dompte ton Cheval.

4. VIRILHA c’est l’aîne mais ce mot me déplaît, je le trouve trop médical, et le pubis trop spécifique, je préfère entrejambe équivalent à crotch en anglais.

Au diable la perfection, au diable la fidélité. On ne traduit pas, on adapte, on réinvente des équivalences crédibles en fonction de son public cible.

C’est en littérature comme en publicité. Ce n’est pas parce qu’une campagne véhiculée aux États-Unis a fait le buzz que son alternative ego double en français va cartonner. Il ne suffit pas de traduire, de faire du mot à mot. Il faut être crédible.

J’ai vu récemment une pub qui m’a intrigué. C’est une pub pour la montre connectée  Watch Series 4 d’Apple. C’est un homme qui boit son café dans son salon avec son double et qui regarde sa montre. Surgit alors au bas de sa rue un, puis au fur à mesure plusieurs clones de lui-même qui continuent la course. A la fin les cinq s’arrêtent épuisés. C’est alors que surgit du diable vauvert un sixième clone qui déboule et plonge dans la mer. Vient alors la phrase.

En français :

Il y a  un meilleur vous en vous !

Tandis que l’original en anglais dit :

There’s a better you in you !

Bébé, Bébé, Apa oswè a

Médé Médé apa oswè a ! Je me réveille à deux heures trente du matin . Yekrik yekrak. Mon lit est devenu bari à salézon échoué au beau milieu de mes rêves paradoxaux sur ce refrain de gwoka revisited à sa sauce pimentée par mon inconscient de tambouyé .

Ce n’est pas cette Manzè Bébé mais ça y ressemble. Si ce n’est pas elle c’est donc sa sœur jumelle ou très proche. Oh ce n’était pas Médé Médé qu’on chantait, ça c’est sûr, je crois plutôt que c’était Dédé Dédé ou Bébé Bébé. Peu importe mais quand même. C’est un gwoka ancien qui bat dans ma tête. Et qui me ramène environ 40 ans en arrière. Je revois en caméra lente, les circonstances, les lieux vagues, les visages flous, les tambours battent tout seul, Dédé aime-moi, apa oswè-a. Bébé doudou, Apa oswè-a. C’est un combat nocturne entre Bébé et Dédé et BÉBÉ veut son plant de poyo et DEDÉ , vyé moso fé-a, est las. MANZE Bébé voudrait qu’on s’occupe de son jardin mais Missie-a a seulement son sab sur lui. Il a beaucoup travaillé. Il n’a pas les outils qu’il faut dit-il pour travailler ce jardin la. Il n’a ni hache ni pikwa, ni houe. MANZE Bébé lésé mwen ale. Mais Dedé ou était-ce Wobè fait partie des braves. MALGRÉ LA FATIGUE IL ENTREPREND DE METTRE AVEC SA PINCE UN BON PLANT DANS LE JARDIN DE LA Dame. Manze Bébé ochan pour qu’on lui plante une graine dans le jardin et le jardinier qui n’en peut mais. Apa oswè-a.. Les repondeurs répondent en cadence « apa oswè-a ». Man ka mandé le réponde , Natalyo. Dédé touche moi, Dédé prends moi, Dédé donne-moi. Dedé plante-moi. BÉBÉ A LA VOIX CAJOLEUSE. DÉDÉ VOUDRAIT RENTRER DORMIR À KAZ Mais LE KA RONFLE. MANze BÉbÉ A BESOIN qu’on laboure son jardin et a beau virer à droite virer à gauche ne trouve pas le bon sommeil chaud. Missié Dédé ka fè sanblan mo. Daprey I las. Soukwé kow, vyé fenyan! Konba mélé . Dédé Dédé !

Et si c’était Dédé Saint Prix, ce Dédé. Ah si Émile Mondésir ou son frère Hervé ou encore leur grand frère, ex champion de ping pong a Aix en Provence. Prof de philo, et chanteur de ka, Edmond Mondésir était dans les parages il me remettrait illico sur le bon chemin de ce ka égaré. Un bele perdu. Dédé pique-moi, apa oswè-a. Dédé, soulage-moi, apa oswè-a. Ou serait ce du Eugène Mona. Angoulous se lanmo. Woye Woye, woye, woye. Ma maman m’a dit comme ça, faut pas faire malélivé , je révise en boucle mes classiques. Esnard Boisdur, Ti Sélès , Carnot, Robert Loyson, Vélo, Guy Konket, Napoléon MAGLOIRE, Gaston Germain Calixte. Je sens en moi japper des chiens et des bourik ruer des quatre graines. Les maringwen me piquent. Dedé Dedé apa oswe-a, Dédé chaléré mwen. Dedé fait sa prière. Notre père qui es aux cieux que ton nom soit sanctifié que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Je vous salue Marie, peine de grâce, le seigneur est avec vous. Mais malgré toutes ces prières le jardin est toujours en feu. Les outils pour planter la graine n’ont pas suffi. Manze Bébé veut et exige son plant. Vous qui me lisez, vous voyez bien que je mélange des MANZE Bébé et Dedé, et que chat ka tête rat, rat ka tête chat, ka souse zo a rat a Kaz an mwen. Boisdur, Mona, Vélo, Chaben, Napo, qui est l’auteur de ce morceau d’anthologie ? VOUS SAVEZ. DITES MOI LES LIENS

Cowboy aux frontières de l’extrême Far West Indies liquide

Quand je pense à l’extrême je plonge mes yeux dans l’extrême horizon de mes propres extrémités inférieures comme supérieures et j’essaie de matérialiser par des bouées les champs sémantiques des extrêmes. L’orient extrême, l’occident extrême, l’extrême couchant alias extrême ponant et l’extrême levant.

Me voici donc bien installé sur l’estran, cowboy anachronique en selle sur une vague appelée Jolly Jumper, la moitié de mes extrémités enfoncée sous mon poids dans le sable, entouré de trous de crabes et de pélicans plongeurs qui me devisagent au loin sur cette Grande Anse du Far West Indies. Je ne vois guère que leurs traces fugitives pattes et becs qui ricanent dans le sable mouillé . Je suis aux frontières de l’ extrême. Les extrêmes sont à la mode. LES EXTRÊMES SONT TENDANCE. Le mot extrême qui s’utilisait jadis en antéposition dans ses constructions lexicales comme dans les formulations comme l’Extrême-Orient, extrême-droite, extrême-gauche, extrême-onction, s’utilise désormais en postposition comme pour en adoucir les traits, nous la retirer de l’horizon lointain, du Far West pour la rendre plus visible dans le centre extrême ou l’extrême insoumission que d’aucuns appellent de leurs vœux comme dernière extrémité pour sauver les démocraties de l’extrême- onction programmée.

Mais revenons aux sens premiers d’extrême. A travers deux proverbes :

Aux maux extrêmes les extrêmes remèdes.

Les extrêmes se touchent.

Extrême, dixit le cntrl, tiré du latin extremus, superlatif de exter, en dehors. Signifiant le plus à l’extérieur, le dernier, le pire, l’extrême.

Oh je sais tout n’est affaire que de proportion puisque, nous disent par ailleurs les arithmeticiens, le produit des extrêmes est égal aux produits des moyens.

Les frontières de l’extrême reculent sans arrêt. Il y a une surenchère permanente. Plus le sport est extrême plus il attire la jeunesse, plus le discours est extrême plus il attire le chaland.

Je suis né moi-même dans l’extrême, puisque né à EXTRA-MUROS. EN DEHORS DES MURS, EN DEHORS DU BOURG. DEWO. L’extrême extase de l’en-dehors…

Spectre de corps noir et trous noirs

Nous sommes conditionnés par les mots et leurs usages. Prenez le groupe de mots suivant. Spectre de corps noir et trous noirs. Blackbody spectrum and black holes en anglais. Quand je pense à spectre je pense tout d’abord à un fantôme, qui avance masqué sous un drap blanc. Ce drap pourrait être bleu, blanc, violet, jaune, maculé de sang ou de sperme, plein de particules de sable ou de miettes de pain, cela pourrait être imbibé d’urine, ça pourrait être une alèse . Ça pourrait être une lange, une couverture en patchwork, que sais-je de la soie, de la laine ou de la vieille toile cirée, mais non quand je pense à spectre je vois à priori un drap blanc immaculé qui marche ou vole. Ce sont ces représentations induites qui nous bornent et nous empêchent d’être créatifs. La créativité c’est sortir de ces représentations évidentes, sécurisantes mais qui ne reposent sur rien, qui se fondent sur l’implacable impalpable. Pour représenter un dieu on mettra un vieil homme sage et bon doté d’une barbe bien taillée et d’une épée ou d’une hache pour au besoin châtier ceux qui le méritent. Ou alors un animal, une vache, un chat, un lion, un éléphant, un serpent. Un aigle. Voire un objet en or comme la Toison, ou un totem en forme de veau. Ou simplement la mer, le soleil, les étoiles. Nous naissons conditionnés par nos parents et par les systèmes à travers lesquels ils naviguent sans boussoles. Les systèmes de pensée véhiculés de la sorte s’impriment et s’epanouissent en nous. C’est la loi du genre. Comment en vouloir aux parents ? Ils font de leur mieux pour expliquer l’inexplicable. J’ai été parent, je me suis encore. JE COMPRENDS QUE POUR ÉCHAPPER AU DOUTE IL FAILLE ENONCER QUELQUES certitudes à sa progéniture… OR DANS LA VIE IL Y A TRÈS PEU DE CERTITUDES. ON ÉBAUCHE DES HYPOTHÈSES ET ON ESPÈRE QU’ELLES SE VÉRIFIERONT DANS LA PRATIQUE. AINSI VA LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE AINSI VA LA MARCHE DU MONDE. POUR CEUX QUI ONT BESOIN DE CERTITUDES IL EXISTE LES TABLES DE LA LOI, LES ÉDITS RELIGIEUX, LES DIX COMMANDEMENTS GUIDES PAR LE BON SENS MAIS QUI VOUS DISENT QU’IL EST POSSIBLE DE MOURIR ET DE RESSUSCITER, QU’IL EST POSSIBLE DE MARCHER SUR l’eau et de séparer la mer en deux, QU’IL EST POSSIBLE DE CHANGER L’EAU EN VIN ET LE PAIN EN POISSON. QU’UNE VIERGE Miraculeuse PEUT ENFANTER PAR SIMPLE VOLONTÉ DE DIEU SANS Visitation préalable DE SPERMATOZOIDES. POUR SIMPLIFIER NOTRE CONNAISSANCE DU MONDE IL Y A DIEU Et Ses OMBRES. Dieu QUI EST OMNISCIENT ET TOUT PUISSANT. L’HOMME, LA NATURE, LES ANIMAUX TOUT LUI EST REDEVABLE. LE BONHEUR COMME LE MALHEUR, CAR LE MALHEUR (QUI PEUT S’ABATTRE SUR CERTAINS ET QUI FINIT TOUJOURS PAR S’ABATTRE PUISQUE NOUS SOMMES MORTELS) fait partie du bonheur. Dieu nous teste. Nous devons prier et implorer grâce et miséricorde. Pour nous et nos défunts. À cette condition nous irons au paradis et aurons la vie éternelle.

J’envie presque ceux qui ont la foi. Je ne comprends pas qu’il ne veuillent pas mourir tout de suite pour goûter immédiatement aux délices de la vie éternelle et de la résurrection de la chair.

Mais revenons à mon propos de spectre de corps noir et trous noirs. Après spectre il y a corps. Un corps vivant ou mort, céleste ou gras, d’élite ou de métier ?

Et de quel noir s’agit-il ? Celui darker than blue de Curtis Mayfield, celui du vendredi, celui de l’idée, de la suie, du crayon, celui des veuves, celui du cabinet, celui de la négritude ou celui de la tigritude ?

Les trous sont-ils d’eau ou de mémoire ?

On peut faire dire au mot ce que l’on veut, exactement comme on fait un assemblage de raisins pour fabriquer le meilleur vin. Faisons des assemblages de raisons pour fabriquer une meilleure vie. Jouons avec les moûts, les sulfites, les sucres ajoutés, soyons les vignerons de nos propres vies. Taillons nos sarments de nos sécateurs et badigeonnons nous de doute pour que nos corps-ceps sortent de leur corset et résistent aux pucerons et épidémies de phyloxera. Nous sommes nos propres récoltants. Mais nous aurons toujours quoi que nous fassions devant nos yeux, implacable, le spectre de corps noir et trous noirs.

Le spectre en physique est un faisceau de radiations monochromatique. Le corps noir est un objet idéal totalement absorbant à toute radiation électromagnétique. Il absorbe tous les rayonnements quelque soit leur longueur d’onde et leur direction. Tout cela a été théorisé et appliqué par des physiciens, astronomes depuis Stefan (1879)et Plank (1900). Un objet noir à une température uniforme.

Le trou noir est un objet céleste compact qui emprisonne en lui les rayonnements. C’est parce qu’il n’émet pas la lumière qu’on dit qu’il est noir donc invisible pour les astronomes. Souvenons-nous en effet que le noir c’est l’absence de lumière. L’absence de couleur. Regardez bien l’arc en ciel vous n’y verrez ni noir ni blanc. Mais une successions de spectres. Allant du plus chaud au plus froid. Du bleu au rouge.

Travailler, voyager même racine, même bête, même poil

Les linguistes s’étirent et font tripaille et ripaille avec le mot travail. On lui aurait trouvé un ancêtre latin le tripalium, un instrument de Torture à trois pieux. Le travail serait donc selon l’étymologie latine une souffrance, une fatigue, une peine, un tourment jusqu’au X Ieme siècle. Travaillez, prenez de la peine. Il faut dire que les travailleurs de l’époque travaillaient pour survivre et avaient peu le loisir d’étudier l’étymologie. Ils étaient pour la plupart serfs, serviteurs d’un seigneur. Le travail dans la Bible même contient cette idée de douleur. La femme doit passer par tout un travail pour accoucher. Oh dolor. Oh labor. Voir Genese 3,17-19.

Les moines travaillaient aussi mais leur travail n’était pas séculier comme celui des serfs, ils travaillaient au service d’un idéal, au service de Dieu. Un autre Seigneur tout aussi exigeant reclamant comme les suzerains d’un fief sa dîme, sa gabelle, son droit de cuissage, etc.

Vint alors Luther, ancien moine Augustin à qui est révélé la Réforme protestante. De lui vient l’idée que le travail ‘on seulement des moines mais celui du tout venant est un instrument no se torture mais au contraire de libération. Le travail est une prière, une sueur sainte qui embaume notre âme et la rapproche de Dieu. Fort logiquement il condamné la paresse.

Pendant que tenants du travail chrétien, païen et orthodoxe se déchirent, moi je pense à la proximité linguistique entre le travail français et le travel anglais. Quand cousin travail et cousin travel se rencontrent que se racontent-ils avec leur trav commun. Certainement pas des histoires de souffrance.

Le nez des Grecs est-il droit ou aquilin ?

La gare routière de Liosion d’où nous nous envolerons vers Delphes ne paie pas trop de mine. Un aveugle vend ses billets de loto. « Simera, simera » . CHIMÈRES, CHIMÈRES. NON JE NE PARIERAI PAS UN SEUL DRACHME Sur la loterie grecque. Je viens d’acheter mon billet de bus pour Delphes par la compagnie Ktel N FOKIDAS, 16,40 € l’aller simple pour environ deux heures et demie de voyage. Départ 10h30 voie 7. Athena m’a susurré à l’oreille ce matin alors que j’ecarquillais à peine les yeux qu’il ferait beau, gros soleil, aujourd’hui. Elle m’a aussi invité à manger un spanakopita avec mon café double.

Le spanakopita (1,80€) c’est un chausson aux épinards de forme étrange, on dirait un trèfle à trois feuilles. Je me suis régalé . J’ai même répété la dose sur invitation expresse d’Aphrodite. Je suis calé . Pour arriver à cette gare routière nous avons pris la ligne verte du métro de Thissio à Kato Patissia. Et de là on marche un petit quart d’heure jusqu’à la gare routière.

Pour faire passer le temps je compare les nez des Grecs. Eh oui les Grecs ne sont-ils pas renommés internationalement pour leur nez, d’une finesse incomparable, hérité en droite ligne généalogique du talon d’Achille. Oui le nez grec c’est le nez droit aux narines étroites à l’esthétique unique reconnue par Platon Aristote et Aristophanes. On murmure même que Socrate but la cigue car son nez avait la malchance d’ être aquilin, descendant d’Achille d’où le nom nez aquilin. Ou faut il croire Wikipedia qui dit nez fin et recourbe en bec d’aigle. Ah oui mes réminiscences latines me permettent de relier Aquila, Aquila à l’aigle, donc nez aquilin nez d’aigle. Les Grecs qui n’auraient pas le nez droit seraient des Descendants d’aigle. Si j’ai bien compris le nez aquilin se traduirait par une sorte de petit pont sur le nez, comme pour colmater une faille, une fissure congénitale dans l’architecture autrement parfaite de l’os nasal grec.

« Simera, simera, » l’aveugle passe et repasse. Il ne me voit pas donc je peux me focaliser sans gêne sur son nez. Un faux nez sans doute. Car il n’est pas si aveugle que ça, le bonhomme qui me promet des chimères. Puisque son portable sonne et qu’il regarde l’écran pour voir qui est à l’autre bout de la ligne. Nez grec, nez aquilin ou d’oiseau, nez camus, nez romain et moi avec mon nez négroide exotique épaté et nubien en terre hellénique. Mes narines se dilatent comme deux canons de fusil. SIMERA, SIMERA. LA GUERRE DES TROIS NEZ N’AURA PAS LIEU AURAIT DIT Giraudoux Jean.

Les délices culinaires grecs revisités à la mode caribéenne

13 nuits en Grèce. 13 petits déjeuners, 13 déjeuners, 13 dîners. Apéritif ouzo à la place du ti punch. Mais l’ouzo quand y réfléchit bien ce n’est qu’une anisette et nous avons ça. Ensuite le slouvaki, les brochettes de porc ou de poulet on connaît, surtout boucanées . Et même le fameux tzatziki, la sauce concombre à l’ail et au yaourt, enlevez le yaourt grec, on connaît aussi. Je poursuis : les beignets de morue accompagnés de skordalia (sauce à l’ail) ne sont pas trop éloignés de nos accras morue. SAUCE CHIEN OU SAUCE À L’AIL ENTRE LES DEUX MON CŒUR BALANCE. Et surtout il y a les gombos. On les appelle okra là-bas, j’essaierai c’est sûr leur sauté de porc aux gombos. il y a les feuilletés aux ÉPINARDS, oh mais je ne serai pas loin demon calalou, alors!

Le ladholemono, la sauce au citron et à l’huile d’olive pour concurrencer notre sauce chien. Peut-être, peut-être, ça ne coûte rien d’essayer en tout cas. Bien alors que reste-t-il des délices grecs à savourer ? Tiens, la moussaka, la lasagne grecque aux aubergines, viande hachée, ou courgettes vegan. Le poulpe aux pâtes. La fêta grillée. Les raisins secs de Smyrne ou de Corynthe. Et je crois me souvenir d’un dessert appelé baklava. Je n’ai jamais bien compris la différence entre la cuisine turque et la cuisine grecque. Ce sont deux cuisines méditerranéennes. Nous sommes au cœur de la mer des oliviers. Et il ne faut pas oublier que jusqu’en 1920 la Grèce était sous domination ottomane même si autrefois toute l’Asie Mineure était grecque. Par contre en Bulgarie où nous passerons deux nuits quid des délices ? Disons que la encore les langues changent mais c’est une cuisine des Balkan.

Alors s’il me fallait mémoriser 13 mots pour survivre en Grèce je dirais :

Karpouzi = pastèque

Peponi = melon

Yaourt né melyi = yaourt au miel

Khtapodhi = poulpe

Garides = crevettes

Xiflas = espadon

Éna helliniko parakalo = un café turc s’il vous plaît

Kalamaria = calamar

Mydhia = moules

INTER FAECES ET URINAM NASCIMUR

J’étais bien tranquille. J’étais jusqu’à cet après-midi midi un fier descendant d’esclave. African American si vous préférez. Ou Afro-Caribeen, afro-antillais, afro-guadeloupeen. J’étais bien. Bien même. Tranquille, apaisé . Mais tout à coup tout ce que j’avais construit, édifié lentement s’effondre. Mon monde patiemment reconstruit à partir de bribes et de broc a chu.

Je ne suis plus descendant d’esclaves, me dit-on. Le mot est soi-disant trop affreux pour pouvoir s’en revendiquer. Le revendiquer c’est l’accepter. Magdeleine Baltimore ma quadrisaïeule, détentrice de 3,13% de mon patrimoine génétique, n’était donc pas esclave. Veuillez oublier tout ce que je vous ai dit auparavant. Non selon la nouvelle nomenclature, le nouveau concept, c’était comme moi une de ces AFRES aux « ancêtres africains réduits en esclavage » et non une esclave. Quel concept ! La paternité en reviendrait au CIPN (Comité international des peuples noirs) , fondé il y a plus de 25 ans par Luc Reinette en Guadeloupe et qui a son siège à Basse-Terre. AFRES : ANCÊTRES AFRICAINS RÉDUITS EN ESCLAVAGE. Mieux qu ‘AFRICAIN DESCENDANT ? Je m’interroge . Et en anglais ça donnerait quoi ces AFRES qui me font penser cruellement aux AFFRES, aux tourments ? Comme quoi on n’en sort pas . Effet de mode . Néologisme . On trouvera certainement une justification psychologique, éthique, psychanalytique à la chose . Déjà des philosophes analysent les Afres . AFRES qui fait penser je l’ai dit à AFFRES et à CAFRES. Accessoirement à AFFREUX et BIAFRA. Mais qu’importe le mot-concept est lancé . Peu importe le parfum pourvu qu’on ait l’effluve ? En anglais ce serait quelque chose comme African Ancestors Reduced To Slavery .

Descendants de Cham/Ham le chaud donc par voie de conséquence descendants de ses quatre fils Koush, Mitsraim, Phout et Canahan… Descendants par Koush de Sava, Savta, Rahma, Havila, Savtheka, Nemrod…

Descendants par la grâce de Mitsraim de Loud, Henam, Naftoha, Phatros, Kafta, Kaskouha…

Descendants des œuvres de Phout de Guedal, Hadan, Khane, Heden…

Et descendants de la malédiction divine des onze fils de Kanahan le Prolifique: Tsidon, Heth, Yevoussi, Amori, Guirgashi, Hivi, Haraki, Arvadi, Sini, Tsemari, Hamati. Arrêtons là cette généalogie biblique. Descendants de Ham donc Hamites, descendants de Cham donc Chamites. Ou Kemites comme le voudrait Cheik Anta Diop (1923-1986), auteur du livre Nations nègres et Culture (1956). Ou encore Maures, (moorish) pour revendiquer une appartenance théologique à l’islam qui engloberait tous les Arawak (Tainos, Nepoyas, Suppoyas, Lokonos, Ignere, Lucayens, Carib, Ciboney, etc.) . Bref ce ne sont pas les APPELLATIONS et les THESES d’origine contrôlée qui manquent.

Noir, Nègre, Black, Negro, Colored, Renoi, Neg, West Indian, Antillais, Caribbean, Moorish Caribbean, Bossale, Moorish American, Américain, Créole, African American, Afro American, Maure, de couleur, Éthiopien, Négropolitain, Karukerien, Afropéen , Dahomeen, Congo, Bambara, Zoulou, Bantou, Arada, ce ne sont pas les labels qui manquent, je le répète.

J’ai même lu une explication linguistique du mot Indian qui selon certaines exégèses trouve son origine de l’espagnol sin Dios. Les sin Dios, ceux qui n’ont pas de dieux, les sans-dieux, ceux qu’on peut réduire en esclavage par conséquent sans traumatisme… Qui serait devenu Indios.

En généalogie on a vite fait de mettre en avant une lignée dite prestigieuse par rapport à une autre considérée comme moins reluisante. Le problème des généalogies c’est qu’elles taisent souvent l’essentiel. Qui était l’épouse de Cham, l’une des quatre femmes ayant pris place sur l’arche dite de Noé, lui-même fils de Lemec, lui- même fils de Metushelah, lui- même fils d’Henoc, lui-même fils de Jered, lui-même fils de Mahalaleel, ce dernier fils de Kenan, lui-même fils de Enoch, ce dernier fils de Seth ? Oh l’épouse de Cham s’appelait Nidaba ! Les Chamites seraient donc descendants de Cham et de Nidaba. Mais qui étaient les ancêtres de Nidaba? Tiens, comme c’est curieux, cet ADN mitochondrial n’intéresse personne.

Dois-je rappeler ici ma conversion lente au vocable descendants d’esclaves suscitée par des conversations que j’ai eues avec un Coezy et la lecture de l’ouvrage de sa sœur Éricque Coezy :Le pouvoir noir en question. Des esclaves de la Traite Atlantique à leurs épigones du XXIe siècle. L’harmattan, édition les Impliqués 2016.

Je rappelle donc mes origines au cas où.

« Inter faeces et urinam nascimur » disait Saint Augustin.

Au-delà de ces fientes et ces urines augustines j’ai pu dans le contour de mon pied de corossol généalogique à travers des actes d’état-civil et des témoignages d’ancêtres retrouver la trace d’autres fluides de sang. Aucun acte ne justifie l’allegation que je propose d’être descendant de Bardus et Elisa. Mais c’est l’un des multiples rameaux de mon arbre originaire de Grand Bourg, Marie Galante. La branche Baltimore c’est la branche de Bouillante et Saint-Claude. La branche Hubbel c’est celle de Schoelcher et Case Pilote, Martinique. La branche Vin et Fronton c’est la branche de Bouillante et Vieux Habitants. Ce qui est clair est que toutes ces branches ont été pour part, selon la nouvelle terminologie, des Afres. Je revendique donc, et je l’ai toujours fait, des globules africains pour part car je ne peux exclure de mes gènes les autres globules européens, amérindiens, dravidiens ou autres qui ont pu au cours des siècles intervenir pour arriver jusqu’à moi. Je reconnais que descendant d’esclaves est réducteur car je descends aussi de siècles d’histoire qui ont précédé la Traite. Mais le mot afres ne me représente pas. Je lui préfère la notion de mixed race, de sang-mêlé . Je suis le fruit d’un mélange. Je suis de sangs cacahuète, noix de cajou, noix, noisette, amande, pistache, datte, raisin, figue. C’est peu dire que je ne suis ni mi-figue ni mi-raisin. Je suis tout cela. On peut avoir 5 enfants et les aimer tous, chacun à sa manière. On peut de manière identique avoir 5 ou plus de rameaux à son arbre. Certains rameaux sèchent avec le temps, peuvent s’étioler et se dessécher. Il arrive même qu’ils reverdissent. Certains peuvent paraître stériles et ne générer ni feuilles ni bourgeons. Mais en leur for intérieur la sève qui y circule est un torrent de vie. Il faut parfois couper un rameau pour préserver l’arbre sachant que ce rameau reviendra en surgeon aussi vite qu’il aura disparu. Aucune manipulation de rameaux n’est sans risque, sans cicatrice. L’important est de préserver le tout et non les parties. L’essentiel aussi étant de préserver l’espace sacré à l’intérieur duquel cet arbre a été planté. La généalogie c’est une façon à moi d’engraisser cette terre. De fouiller l’histoire, les histoires, les historiettes qui font que je ne suis pas et ne serai jamais afres, quoi qu’en ait décidé soudainement le CIPN. Sangs-mêlés, eaux-mêlées, fluides-mêlés et inconscients mêlés. Sangs de menstrues, sangs de blessures, sangs d’hémorragies, tous mêlés. SANGS MÊLÉS QU’AUCUN PEIGNE NE SAURAIT DÉMÊLER. Sangs-Grainés . Sangs-crépus , sangs-chauds, sangs-froids, sangs-tièdes, sangs sans queue ni tête. Sangs sans devant sans derrière. Sangs tissés sans foi ni loi, sangs-rhume, sangs-rhum, sangs sans rime ni raison, sangs cent fois mêlés et réincarnés. Sangs-mêlés purs et impurs abreuvant nos sillons.

Je ne sais pas à ce jour à quel groupe haplogique j’appartiens. Je n’ai effectué à ce jour aucun sequencage complet de mon génome. Mais je ne doute pas qu’on y retrouvera toute une mosaïque de fragments d’adn d’origine africaine. Kongo, Kikongo, Bakongo, Peul, Armada, Fond, Bambara, Angola, Haoussa, Tacoua, Coromantin, Judá, Ayo, Nago, Ibo, Wolof, Mandingue, Mozambique. Peut-être. Moi je penche plutôt pour une origine bantoue: Kikongo, Kimbundu, Umbundu. Mais Kwa et Mandé me satisferaient tout autant .

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Amsterdam est une ville multiculturelle, plus de 180 communautés s’y côtoient. Voilà une ville où le mot fusion en cuisine n’est pas un vain mot. je vois à gauche et à droite des restaurants chinees-indisch (chinois-indonésiens), antillaanse-chinees (antillais-chinois). Il est vrai qu’aux Antilles les métissages sont nombreux . On pourrait avoir un métissage entre une mère vénézuélienne et un père chinois qui donnerait un enfant né à curaçao qui serait donc hollandais. Vous suivez toujours ? C’est le cas du propriétaire du restaurant Antillanse Chinees Eethuis Johnny Li, de son vrai nom Juek Sang Li. Il est sur Facebook. son restaurant se trouve à Amsterdam , Wisseloord 739, dans l’arrondissement (on dit wijk en hollanais) de Stadsdeel Zuidoost, quartier Gein.

Il y a aussi à Amsterdam à Oostzanerdijk 141B le traiteur (catering) Bandabou  dont le logo est un iguane. On peut commander online. Ils n’ont pas d’adresse fixe semble-t-il. Ils font des mini johnny cakes (mini bokits), des pastechi (des pâtés)(poulet, fromage, thon, viande), des kaas ballen (des boulettes au fromage), des bitterballen (boulettes farcies au ragoût – ragu- de boeuf ou de veau), des palito, des empana, des kala (boulettes de haricots zyé noirs, pittige bonen), des pika ballen (des boulettes de viande bien pimentées),  des kroket Karni (des croquettes de viande), des tuna rol (crêpe farcie de thon), des webu yena (oeufs mimosa bien épicés), des cocada (de la confiture de coco), des letters (des gâteaux de cacahuètes avec la forme d’un s), des tentalairia, des kos di lechi (à partir de lait en poudre), des tert (petites tartes), des djente kacho (sikakoko), des chupa bebe (les lolypops, les sucettes antillaises), des bolo di kashupete (tarte à la noix de cajou et à la liqueur de curaçao).

Moi je suis à Rotterdam et je devrai me contenter du restaurant-snack  local qui se trouve tout près de chez ma fille, à Charlois, un quartier de Rotterdam. Un couple de chinois gère l’endroit et propose toute une multitude de plats en direction de la Communauté antillaise du quartier. Antillais ici ça veut dire ARUBA, CURAÇAO, SABA, BONAIRE, SINT MAARTEN. Les Antilles Néerlandaises. Ils parlent en principe hollandais et papiamento, anglais et parfois espagnol (en raison de la proximité avec le Vénézuela). Pour tous les plats le cuisinier chinois propose une sauce antillaise. Je dirais plus exactement une sauce antilliaanse-chinees (antillo-chinoise) voire surinamo-antillo-chinoise voire indo-sino-surinamo-antillaise c’est-à-dire une sauce qui plaise aussi bien aux indonésiens qu’aux surinamiens qu’aux antillais. Les gens viennent, commandent et repartent avec leur trésor. La plupart ont commandé par téléphone et viennent juste récupérer leur paquetage. C’est un samedi après-midi en début de mois (nous sommes le 12) en plein été hollandais et toute l’antillanité batave défile. Devant la liste de plats j’essaie de me les faire expliquer  mais ni le propriétaire des lieux ni sa femme ne maîtrisent ni anglais ni hollandais ni a fortiori français, créole, papamiento ou portugais.

Après beaucoup d’efforts je lui fais comprendre grâce à l’aide d’un client originaire de Curaçao que je veux un plat avec travers de porc (spare ribs), oeufs, riz cantonnais, pommes de terre frites et sauce saté (à base de cacahuètes et de soja sucré indonésien)  et une portion de brochette de viande au saté et que  ma femme veut un plat de bami (les pâtes indonésiennes) avec des petits légumes et du poisson pané. J’ai demandé en outre un supplément de sauce saté, il me répond saté non, sauce antillaise. Va donc pour un gobelet de sauce antillaise. Nous avons demandé pour nous deux de petites portions. Quelle n’est pas notre surprise quand arrivent les barquettes. Moi-même qui mourrais de faim je n’en mangerai guère que la moitié. Le soir j’en prendrai encore une demi-assiette et je jetterai le reste à la poubelle. Idem pour Darjeeling.  Idem pour Erica qui n’avait demandé qu’un peu de nasi goreng avec dune brochette de boeuf (ou était-ce du porc) au saté. Le restaurant-snack ne propose que des boissons non alcoolisées. Nous faisons donc l’impasse et décidons de manger sur place. Bien qu’il y ait deux tables dans le restaurant cela ne doit pas être la coutume de s’asseoir ici car on ne nous sert pas d’assiette. Les clients habituellement se tiennent debout près du comptoir. On nous remet nos gamelles débordantes en polystyrène , scellées de plastique transparent avec une fourchette en plastique et un feuille de serviette en papier. Nous demandons un couteau pour couper le poisson de madame. Il faut une éternité et beaucoup de gestes pour faire comprendre avec l’aide des clients sur place  le mot couteau. non il n’y a pas e couteau dans l’entreprise. Bon appétit ! Heureusement c’est délicieux ! Et la sauce indo-chino-surinamo-antillaise est une tuerie ! On n’accepte pas de cartes de crédit. Cela nous fera trente € tout ronds.

 

Je remarque quant à moi que la traditionnelle sauce saté (saté saus) que j’adorais autrefois est appelée speciale antilliaanse saus dans le plat Saté ku batata met speciale antilliaanse saus (frites servies avec du poulet grillé enrobé de sauce spéciale antillaise (à base de pâte de cacahuètes et nombreuses épices (voir la recette traduite ci -dessous  tirée des recettes antillaises publiées sur le site  Jurino’s Kitchen (en néerlandais, désolé)

 

Le problème est de savoir ce que c’est qu’une sauce antillaise et ce qui la différencie de la saté saus indonésienne et de la sauce krioyo. Disons qu’à voir la liste des ingrédients ce qui différencie le saté saus de la sauce antillaise c’est l’addition de l’anis étoilé, caractéristique chinoise par excellence et le mélange d’épices particulier..

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Si j’en crois Jurino Ignacio, propriétaire du site et auteur de l’ouvrage Nos Kushina Krioyo (de antilliaanse keuken in 100 recepten) le tout est dans la sauce spéciale antillaise. Les ingrédients sont :

1 cuillère à café de poudre d’oignon (uipoeder)

1 cuillère à café de poudre de curry (kerriepoder)

1 demi-cuillère à soupe de ketchup

1 cuillère à café d’ail en poudre (knoflookpoeder)

I cuillère à soupe de Maggi (euh là je passe mon tour, Maggi niet, Knorr et consorts, niet voir mes diverses interventions à ce sujet: sans additif sans sel) la dernière par exemple, une autre encore

1 pointe de couteau (mespunt) de pâte de crevettes en poudre’ (trassie) (toko)

1 cuillère à café de moutarde

1 cuillère à soupe de pâte de cacahuètes (pindakaas)

100 ml d’eau

1 anis étoilé entier (steranijs)

1 cuillère à soupe de sucre

Pour le reste il faut pour 4 personnes:

1 kg de pommes de terre (aardappelen)

500 grammes de viande(vlees) ou de substitut de viande (vleesvervanger) [au choix filet de poulet (kipfilet), filet de porc (varkensfilet) ou seitan]

2 cuillères à soupe d’huile (olie)

1/2 cuillère à café de poudre de paprika (paprikapoeder)

1/2 cuillère à café de cumin (komijn)

Sel et poivre à volonté (zout en pepper naar smaak)

1/2 cuillère à café de coriandre (koriander)

1/2 cuillère à café de poudre de curry (kerriepoeder)

Le mode de préparer la sauce est simplissime:

Mettre l’eau dans une casserole à bouillir avec la pâte de cacahuètes. Mettre ensuite tous les autres ingrédients. Laisser mijoter au moins 5 minutes..  retirer avant de servir l’anis étoilé de la sauce et réserver la sauce

Un coup d’oeil sur Tele Curaçao et la papesse de la cuisine kriyoyo, Kushina Dioro, j’ai nommé la savoureuse Saida Hernandez :

Pour fire ses deux poissons elle prépare sa sauce kriyoyo. Pour ce faire les ingrédients de l’époque sont tous des Conimex.

Kerrie Djawa (un mix de 10 épices)

Boemboe saté (du cumin)

Sambal Tjampoer (le piment)

Ketjap Asin (la sauce soja sucrée)

Trasi oedang (la pâte de crevettes)

A cela on ajoute les poivrons rouges et verts, la ciboulette, l’oignon, le coriandre vert et le sel. Mais la recette me semble plutôt indonésienne. Même si elle est réalisée à Curaçao.

J’hésite. il me faudrait prouver de maz langue et non de mes yeux.

Il y a bien ce snack antillais à Rotterdam qui me parait sérieux: Krioyo,  Meerdervoortstraat 106B mais il est en vacances jusqu’au 21 aout. Il se dit spécialiste en Curaçao street style et traditionele Creoolse keuken. Specialiste en street food à la mode curaçao et cuisine créole traditionnelle. Alléchant non ? Regardez sa carte !

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Il fait des johnny cakes  avec toutes sortes de garniture (fromage, oeuf, bacon, salade de morue, salami, poulet grillé, mais aussi porkshop, steak )

Et bien sût des Pastechi Keshi (fromage), Karni (viande), Galinja (poulet), Tuna (thon),.

Parmi les plats traditionnels servis je note : Steak in Wea, Kolo Stoba, Dradu (poisson mahi-mahi),  mais surtout Jambo ku Funchi (une sorte de soupe de gombo avec de la polenta) . Mamma mia ! J’ai trouvé mon bonheur !

Il y a aussi du Tutu ku Dradu ou Tutu ku Bakijouw (à la morue). Il sert aussi des  moro (riz et haricots rouges et épices comme il faut). Surtout je note  sa sauce krioyo (sauce à base de tomates et oignons). il en a une autre qu’il nomme curaçaose pinda saus (je lis bien sauce cacahuètes à la mode de Curaçao). il fait aussi des kos dushi (que du sucré, je ne regarde même pas)

Pour en avoir le coeur net  deux jours après je me rends chez Rapha Snackbox dans le même quartier.

Rapha-Snackbox se trouve toujours dans le quartier de Charlois. Boergoensestraat 7A

Je me présente, je suis caribbéen de Guadeloupe, je viens d’arriver à Rotterdam. voici ma fille et je veux manger du caribbean food. Elle est d’Aruba mais sait tout de la gastronomie de huit îles parmi lesquelles je ne retiens que  Bonaire, Aruba, Saba, Curaçao, Sint-Maarten. Elle est même allée en Martinique. Elle m’explique le fonctionnement du restaurant. Je la coupe lui disant que je suis e passage. Mais elle continue son laïus sans se perturber outre-mesure mais s’adressant dorénavant à ma fille qui habite à 300 mètres. Non nous ne faisons pas comme le chinois, nous ne proposons pas de nombreux plats . Tous les jours nous avons un plat du jour. Sinon nous avons des snacks. Moi je ne l’écoute même pas. Je fouille le tableau noir et je vois le mot Johnny cakes.

Je vois qu’elle propose des Johnny cakes. et je commence à baver. Mon cerveau est en pleine effervescence ! Johnny cakes, johnny cakes, johnny cakes. Je suis au maximum de l’excitation ! Je bande !

« What’s that ? », dis je négligemment, tentant de me contenir et de résister au divin johnny cake. J’ai entendu bien souvent parler de johnny cakes et de rôtis sans en saisir la matérialité. Je n’ai même pas faim !  mais parfois il est si bon de manger sans faim ! C-A-R-I-B-B-E-A-N ! Ces lettres magiques se scandent tout seul en moi comme        R-E-S-P-E-C-T d’Aretha Franklin !

« If you’re caribbean you must know what johnny cake is. »

Je réponds.

« I swear to God, we don’t have johnny cakes in Guadeloupe. There’s nothing that is caribbean that we don’t have but it must be known over there by another name. »

Je passe vite en revue les dombrés (dumplings), les Accras (fish balls), les pois rouges (red beans), les lambis (conch), pwa wouj é diri (moro), bouden (blood puddding), les Johnny cakes seraient alors  les bokits ou dankits ?

« Is it this dough you fry and stuff with cod (bakeljouw) , ham, cheese (kaas) or whatever you feel like ? »

« Yes that’ s Johnny cake right! »

« So let me have one with ham and cheese. »

Je suis un peu surpris qu’elle prenne dans une vitrine refrigérée qui est posé sur le balcon ce que je considérai comme une boule pour hamburguer. Elle part au fond ee son commerce et je l’entends cuisiner. Au bout de dix minutes elle me livre mon trésor emballé dans une petite pochette en papier qui va aller dorloter le fond de mes entrailles. Ce ne sont que borborygmes e plaisir qui jaillissent alors e ma bouche éblouie. Certes ce ne sont pas le meilleur bokit que j’ai mangé de ma vie. Je préfère d’ailleurs les bokits avec lamori ou  krab. Ce n’est pas ma consistance de pâte, non plus, celle qui me fait fondre comme du beurre dans une poêle amenée à température idéale par la flamme bleue, c’est vrai. Mais c’est si bon ! I’m eating caribbean, I’m eating caribbean !

Pendant que je déguste cette manne caribéenne je cherche en vain sur le tableau noir la cuminda Di dia. J’ai tout à coup des envies de femme enceinte en pleine ménopause: un calalou krab épi dombrés.  La prochaine fois que j’aurai l’occasion de goûter à un calalou comme ça ce sera mieux que du caviar d’esturgeon iranien. Je pleurerai sans doute à chaudes larmes de plaisir pour la deuxième fois de ma vie en me souvenant de la première fois qui remonte au temps où je suçais le sein de ma nourrice.

Elle (la tenancière du lieu, pas ma nourrice, la belle laitière qui répondait si je ne m’abuse au doux prénom de Gisèle) propose un Saku pour 10€. Kesako ? Kippenpoot (pilons de poulet) met karbonade (cotelettes de porc) of spareribs (travers de porc), gebakken aardappel (pommes de terre rôties), bakbanaan (bananes rôties) en Johnny cake (bokit). Le tout dans un sac, spécialité de Curaçao.

C’est bien tout ça mais où sont passés les kabrito stoba, les funchi, les arros morro, les tutu, les red snapper ! Je lance un cri, un seul ! Ayaka !

ah j’ai compris je pars à Curaçao, les amis ! Direction Silva Snack , Santa Rosaweg, Willemstad! Ca fait 41 ans que l’affaire existe. J’y crois ! Et là on me dira tout sur la sauce antillaise, krioyo, saté et curacienne

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Si comme le dit Ignacio  krioyo saus vient de la traduction  en papiamentu de creoolse saus qui a donné sous krioyo, creole sauce  c’est une sauce à base de tomate, oignon et poivron. et c’est fini.

Evidemment si j’avais sous la main l’ouvrage de Saida Hernandez : Kushina de Saida Hernandez: resetas (1991) ou Resetas Kushina Dioro (1986) ce serait facile de trancher.

Et moi qui croyais que la sauce antillaise originale c’était la sauce chien originale sans tomate, je’en suis pour mes frais (pour ma sauce chien il me faut cives, persil, ail, piment, citron jaune, sel, eau chaude et huile et pas de tomate) alors que pour ma sauce chien avec tomates il me faut tomate, oignon, cive, pâte de piment, huile, mélange 4 épices, thym, bois d’inde, eau bouillante, persil citron et sel). woye !

Mais il ne faudrait pas appeler leur sauce à la tomate sauce créole mon cher ! Ca va confondre tout le monde. En   Guadeloupe pas de poivron , aux Antilles Neerlandaises tomate, poivron, oignon et pas de piment, pas d’ail. Je crois qu’il va falloir éliminer le mot créole du vocabulaire de la gastronomie.

Car en réalité chaque pays a sa sauce créole, reflet e son propre métissage

A Puerto Rico il ya un mojo isleño.

A Cuba mojo criollo (orange aigre ou  1 part d’orange et  2 parts de citron, gousses d’ail, sel, poivre, origan, huile d’olive)

En Uruguay, au Pérou et en Argentine la salsa criolla contient oignon, poivron rouge et jaune, tomate, ail, persil, huile d’olive, vinaigre, sel et poivre

Il ya un  mojo criollo (sauce tomate, huile d’olive, ail, sazon (contient du MSG), aobo et sel à volonté

Le creole sauce en Louisiane  huile ‘olive, oignons, céleri, poivron vert, ail, tomates, , bouillon de poulet  maison, sauce pimentée de Louisianne comme frank’s ou Crystall, sauce worcestershire, feuilles de laurier, poivre blanc, poivre e Cayenne, thym, beurre, persil, cives, sel kasher et poivre du moulin